En Echo à un certain Abbé Théophile
L’Ami,
Nous ne le dirons jamais assez, nous ne l’écrirons jamais assez. Quelque chose a précédé. Nos mots sont pauvres et s’effacent devant Le Miracle de La Reconnaissance. Nous retenons notre souffle afin de trouver Le Sien en Sa toute grande Majesté. Des êtres qui peuplent ce monde, sommes-nous en la triste numérisation ? N’est-il que quantité, reproduite à l’infini, à l’image des chiffres que l’on veut sans cesse aligner ? En ce furtif interstice, lors que le cœur vibre à l’unisson de La Vibration de L’Unique, Il est Le Regard. Il est Les Mondes, Les Univers, les toutes-Possibilités de L’Être. Lors que nous venons au monde, Lui Seul ouvre les Yeux à nos yeux. Palpitations inouïes de Réalité, lors que Cela est, Cela s’étend aussi loin que Le Cœur reçoit. En celui-ci, il est un Secret prodigieux qui s’élargit simultanément au Soleil effusif de notre Cœur, devenu Sa Lune. Nous sommes semblables à La Lanterne et Le Cœur en est Le Secret dépositaire. Son Regard est Présence. Intensité de Conscience. Reliance en La Reconnaissance. Suspens de nos prunelles en Sa Prunelle. En Lui Seul est La Vie. Tout le reste se cherche et se balbutie. Lors que nous voyons, il n’est plus aucun Temps, il n’est plus aucun Espace. Le Regard dit : Je Te vois en Lui. Alors le cœur semble comme s’agiter, comme se troubler par L’Émoi le plus doux et le plus suave, éternel en Sa Présence. Dieu me parle. Je Le vois en toi, L’Autre, Son Trésor caché. Tantôt La brise légère est Son affleurement, et tantôt, le petit moineau posé sur le bord d’une fenêtre est son clin d’œil. Il frémit des herbes tendres et de toutes les fleurs délicates au milieu des champs. En chacun de ces moments, Il est Son Visage. Chaque mouvement qui rompt le figement est le signe qui te dit : Je suis là. Lors que L’Ami vient au Jardin et que je ne L’attends pas vraiment, lors qu’il fait sa ronde autour des arbres et que depuis mon assise, je Le vois me sourire et baisser la tête en un geste presque timide, je suis à Le voir. Lui, Son Oeuvre. Pourquoi viens-tu ? Qui es-tu pour venir voir cette folle ? Une larme suinte de notre Rencontre. L’Âme s’élève des décombres du cœur, et ôte tous les masques. Nous ne voulons pas manquer Le Rendez-vous. Il est là. Nos âmes Le voient et La Rencontre est un Chemin sans retour. Il n’est plus aucun schéma factice de relation, ni fausses civilités qui rognent la crucialité. Le cœur est au diapason en L’Alchimie d’une Aspiration. Ni subterfuge, ni yeux qui fuient, ni décalage. L’Instant gouverne. L’Instant de L’Âme. Nous entrons en La Dimension Une du Soleil culminant de La Réalité pleine. Il n’est pas d’ego qui serait en un quelconque calcul. Il n’est pas de rivalités qui chercheraient à imposer une influence sur l’autre. Il n’est aucune hostilité, mais confiance absolue. La Rencontre est une Retrouvaille, celles des âmes. La Rencontre Consciente est Le Regard de La Bienveillance. Le cœur rayonne de L’Amour inconditionnel. Il ne se sent ni menacé, ni en une quelconque hostilité. Il dit : Je T’aime toujours. Le Regard du cœur est une Rencontre qui se prolonge en L’Émerveillement. Il est L’Accueil, Le Hors-Temps. Lors que je rencontre L’Ami, il est Le Seul Ami, entier de Sa Présence. Il est tous les Amis. Il est Celui qui dit : appelle-Moi et Je viens en courant sans l’ombre d’une hésitation. L’Ami, Le Don est un Regard. L’Ami, Le Regard est Le Don de Soi.
Cependant, il faut avoir enfilé les perles du Temps pour parvenir à cette Unicité, celle qui nous donne à nous jeter dans le vide et crier avec fougue : Il me rattrapera. Je ne puis croire en un Seigneur absent une seule seconde ! Il faut du temps pour s’abandonner consciemment au Vivant, et taire les voix fragmentées des transpirations de la peur. Il faut du temps pour ne pas avoir peur. Il faut avoir enfilé les perles de la peur sur les sillons d’une existence pour ne plus avoir peur. Telle est La Liberté : Être. Être au Rendez-vous avec son semblable, sans crainte, sans doute. Telle est La Preuve même de Dieu en Sa Toute-Puissance. Il faut du Temps pour entrer en Ce Hors-Temps qui nous donne à La Certitude. Il faut du Temps pour rire enfin et vivre La Beauté. Il faut du Temps pour saisir les sagesses innombrables du Temps. Il faut beaucoup de Temps pour être un enfant. Il faut une audace incommensurable pour rencontrer Dieu.
L’Ami, je t’ai rencontré avant de te rencontrer, lors que je marchais en respirant ton parfum et que je cherchais jusque dans les fourrés. Je t’ai vécu avant de te vivre, en me préparant à te voir arriver sur le sentier. J’ai osé marcher lentement et parcourir chaque bosquet pour t’y rejoindre. Chaque talus, chaque vallon, chaque bruissement du vent dans les branchages me préparaient à te re-connaître. Je t’ai connu bien avant. Je t’ai cultivé en chacune de mes recherches, de mes lectures, alors que je me promenais dans les champs, bien souvent un livre à la main, déclamant ces mots envolés au gré du vent. J’ai goûté aux baies les plus improbables et aux sucs des arbres. Je retardais le moment de rentrer et je calmais ma faim d’enfant avec les petits cailloux, ou les feuilles amères de certains buissons. J’ai respiré les fleurs et les ai embrassées avec beaucoup de révérence et je piaillais comme les moineaux, ou chantais dans les arbrisseaux avec la mésange ou la grive. Le Regard a donc toujours précédé le regard et j’ai aimé coller ma pupille à la tienne pour Te voir. Le voir en Toi, en Lui… Et nous reconnaître. J’ai aimé T’apprendre pour Te comprendre. Quelle est donc cette magie du Temps qui se plie et nous donne aux correspondances ? J’ai aimé T’aimer pour T’aimer.