A Dorine
Aquarelle de Stephanie Pui-Mun Law
C’est au miroir rare que les faits sont à nous poursuivre de leur lumière, et c’est d’Amour que pleuvent les larmes de ma sœur. Est-elle depuis l’ombre d’une autre vie, sortie et soudain, nous avons tendu nos deux mains, si loin, si près ? Je t’ai gardée au creux de mes nuits, petite fille. Je t’ai bercée comme tu m’as bercée, et je sais que nous avons vécu l’étrange féerie. De nos mots suaves et plein d’écorchures, j’ai gardé bien plié les mouchoirs de nos envolées. Je t’ai attendue, toujours et je t’ai vue me confier tes peurs. Or, voilà que soudain jaillit l’espoir ! Comment pouvons-nous nous dire, lors que l’âme en ce par-delà, le sait, le sait… Je te suis fidèle, car la vie est sacrée, et je t’ai offert tous ces moments qui n’en font qu’un, lors que tu venais et m’enveloppais. Tantôt forte, et tantôt si désespérée, et je pouvais saisir l’insaisissable, car, quelque chose nous lie et c’est un trait d’union qui a commencé depuis l’éternité. Est-ce coïncidence, lors que je marche en cette nuit et que je ne sais plus où aller ? J’ai gardé secret notre lien et… Il est en ce lointain, la main que je te tends sans jamais me lasser. Te souviens-tu ? Tu me parlais de la Beauté ; je me suspendais au gré de mes oraisons et tu étais de l’autre côté. Il est une alchimie qui vient nous étreindre et les mondes subtils sont à nous parler. Je te voulais t’offrir encore, les paroles de l’amitié. Celles qui durent, lors qu’en son commencement, le germe est déjà fécondé. Les mots nous échappent, et je sais qu’en ta bouche, il est sorti ce que toi-même tu ne savais. Nous avons couru dans la clairière. J’ai observé tes combats et certes, tu es guerrière. Aujourd’hui, je me souviens du dragon, venu souffler quelques mots apaisés dans le secret de l’oreille, car les mots ne sont pas le hasard. Ils savent qui trouver au bon moment. Nous croyons tout maîtriser, mais en fait, l’étrange est un mystère qui nous rappelle que rien n’est de notre fait.
Peinture de kinuko.Y. Craft
La Réalité a toujours dépassé la fiction. C’est en Le Cœur, ce Centre que tout se joue entièrement. Nul qui ne vit en Lui, ne peut soupçonner comme bien des histoires qui se lovent aux feuillets des légendes, sont pourtant des réalités. Nous souffrons de la platitude et des crudités du quotidien qui s’ennuient et se sauvent dans les fausses hauteurs et empruntent les mots sans les gestes du cœur. La vie est cet « étrange » qui se rencontre lors que l’âme vibre d’Amour. En cette jungle où l’on craint de déchoir socialement, le fou marche d’un pas tranquille et se tient debout, bien droit, en une sorte de provocation. Le fou est celui qui dit ce qu’il fait, et fait ce qu’il dit. Il pratique tous les jours. Il possède un violon, une mandoline et tous les pianos lui chantent des allégories mystérieuses. Il voit le monde, lui sourit, mais continue de marcher, car les océans se rejoignent et fougueusement l’entraînent en cette féerie. Et s’il souffre un peu de la faim, de la soif, de la poussière, il se drape de la nuit et parle à la lune. Le fou a dépassé toutes les frontières. Il peut mourir de froid… Cela ne le gène pas. En son cœur est un feu ardent qui lui réchauffe le corps entier. Il reçoit les indigents, comme lui, et ils conversent ensemble longtemps, parce que le temps n’est pas compté.
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Les rencontres s’unifient en L’Âme et c’est parce que nous sommes immatures d’ignorance accumulée que nous ne savons plus les souffrances que l’âme est à manifester. Nous ne savons plus décoder ses signaux. Certes, il est une route avant la route, mais le premier chemin est un arrêt. J’ai rencontré souvent ces âmes esseulées et qui souffrent sans savoir pourquoi, ni comment relier leur souffrance, ni comment les dépasser. La vie spirituelle est la vie tout court, et c’est parce que nous souffrons des douleurs des autres que nous nous tournons vers eux, nuit et jour.
Peinture de Zhao Kailin
Texte de Dorine :
C’est de la souffrance, de la peur aussi. Beaucoup d’oppression et de craintes qui s’emmêlent, se nouent et s’ancrent dans les tréfonds de l’âme. Il faut l’accepter et apprendre à vivre avec mais ce n’est pas simple. J’en étais arrivée à ne plus dormir la nuit, par peur. La distorsion de la réalité en est la cause. L’esprit n’est plus maître du corps, nos actions et nos raisonnements deviennent automatiques : vivre dans la vigilance et la crainte. C’est comme attendre la fin, l’horrible et cynique fin. Imaginer le pire chaque instant, au point de ne plus pouvoir le concevoir et de ne plus ressentir le besoin de l’attendre. Puis le miroir se brise et c’est comme se détacher de la menace qui résonne en soi. On en perd la notion du temps. On se perd dans le brouillard de son cœur, on s’oublie dans ce dernier. C’est faire le deuil de soi-même. Chercher ce que l’on ne peut pas atteindre dans l’espoir de retrouver ce que l’on a un jour perdu. On ignore ce qu’il manque mais on souffre de son absence. On ne peut l’ignorer. Vivre dans le monde et ne pas ressentir le besoin de s’y attacher. Quand on y réfléchit c’est comme être la jonction entre soi et l’autre, c’est incarner la fine couche les séparant. N’être ni soi ni l’autre et pourtant les ressentir comme une vile et vive douleur dont on ne peut se préserver. C’est un peu comme se nier soi-même seulement on ne se nie pas, on espère se trouver. Se trouver là où l’on ne peut se voir. Chercher dans cette jonction le corps qui portera notre âme car on ne le ressent pas, il ne nous contient pas. L’esprit vague à ces occupations tandis que l’âme reste seule dans un corps qui ne la retient que par contrainte. Elle pleure sa liberté et ses pertes tandis que l’inconscient qui est durement immuable tentent de forger son identité, seul. C’est comme vivre malgré son autre. Un tout, saccadé et désorganisé. Une horloge dont le cadran aurait été brisé. Le mécanisme ignore le mouvement de l’autre en tentant de se raccorder à l’image qu’il désire projeter. Vivre seule en soi mais sans soi et se jeter dans la vie comme dans le vide que porte la mort.