Salamandre

La vision de Aaron se trouble, sa gorge se dessèche et il éprouve un mal fou à déglutir. A son insu, toutes sortes de questions fusent. Celles qu’il sait devoir laisser jaillir, sans quoi, il ne pourra plus retrouver le souffle, ni maintenant, ni jamais. La première est cruciale : d’où vient-on ? La seconde l’est tout autant. : où va-t-on ? Plus que tout, celle-ci vient face à lui, presque provocante : cela a-t-il une importance ? Le regard se cristallise sur un point presque malhabile, car Aaron cherche un point de chute, un point où poser ce regard. Dans le creux de sa pupille dilatée, il entre dans la verdure d’un paysage, une verdure fertile au milieu d’un paysage vide, déshumanisé du triste et macabre néant humain. Il se dit qu’il n’y a nulle rencontre, un désert aride dans les pâles contrastes des plus obscures pensées. Elles se font un passage lugubre parmi les saillis mystérieuses du monde. Aaron tend la main, esquisse une sorte de danse, et pourfend cet amoncellement de dérision.

L’enfant reprend la route, submergé par la chaleur de la campagne. Il avance déterminé et ses souliers, quelques peu usées par un été fortement turbulent, tracent de petits dessins dentelés sur le chemin de poussière. Il chasse loin le doute : si tu doutes, tu n’y arriveras jamais.

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Salamandre

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  Peinture de Christian Schloe

 

     Froideur de la vision, lors que le cœur n’est pas échauffé de Reliance, la confusion règne. Les informations ne peuvent trouver leur couloir de cheminement, et le mental bute contre la surface opaque des voiles particulaires. Vous voyez sans voir, vous entendez sans entendre, vous frôlez L’Incommensurable et jouez aux apprentis sorciers tels des enfants capricieux, sans sagesse, sans vertu, sans Re-connaissance. Non ! Jamais vous ne trouverez, car il est un Secret qui met un barrage insurmontable, indéfectible, une épaisseur que vous ne savez décelez, entre vous et cet Illimité. Ainsi s’exprima Aaron qui s’était redressé avec une superbe dont il ne pouvait plus se départir. Il avait patienté longuement face à l’hypocrisie et au mensonge de ce qui se prétendait être une sage assemblée. Quelle assemblée ! s’exclama-t-il avec une moue de dégoût. Il entendait la voix de sa mère qui de crainte lui disait en permanence : ils ne te lâcheront plus. Ils te voudront du mal. Ils sont incapables de comprendre la différence. Ils ont créé un système de destruction. Tu le sais, toi, plus que quiconque. Mais, Aaron n’avait peur de rien. Depuis sa rencontre avec Salamandre, lors qu’il avait à peine dix ans, il avait compris que rien ni personne ne pouvait arrêter l’inéluctable. Or cet inéluctable échappe à toutes les stratégies, car Le Vivant est Vivant, et La Suprématie du Vivant est au-delà de toute mentalisation. Cette assemblée était à des années-lumière de La Connaissance et ils leur manquaient toutes les aptitudes pour saisir les subtilités réelles de La Création. Ils dressent sans cesse des murs de plus en plus figés puisqu’ils ne peuvent plus comprendre l’intériorité des choses, se gargarisant de leurs découvertes scientifiques qui, de fait, relèvent encore de l’ère des primates. Cette évocation le fit sourire. En cet instant crucial, en cette fulgurance, il lui revint en mémoire tout ce périple incroyable, cette progression dans les sphères les plus inouïes de La Conscience. Tandis que ces femmes et ces hommes – l’étaient-ils vraiment ? – le regardaient avec ahurissement, il se laissa aller aux souvenirs…

 

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Peinture de Christian Schloe

 

     L’enfant avance lentement, puissamment retenu par une attention soutenue dont il n’a aucune maîtrise. Là où il se dirige est une certitude. Son être est enveloppé d’immensité et c’est en lui que celle-ci s’épanche de toute sa réalité. Il ne peut mettre des mots à ce ressenti. Il ne s’y attarde pas encore. Son esprit est uniquement pris en otage par La Présence. Elle est sienne, sans l’être aussi. De Cela, il est sûr.

     L’enfant s’arrête un moment et observe les alentours. Il est seul au beau milieu d’une campagne verte, généreuse, vive de son abondance, et le ciel est clair, irréel, comme suspendu. Le silence s’impose, oppressant. Pas un souffle, tout juste un désert de bruits, un mystérieux arrêt. L’enfant ose à peine respirer puis halète soudain pris de sueur froide devant l’impression étrange de figement. Le paysage semble avoir été peint délicatement tout autour de lui et la ligne d’horizon l’appelle avec insistance. Était-ce le fruit d’une erreur ? Avait-on volontairement oublié de donner du mouvement au paysage ? S’était-on égaré sciemment en cette halte ? Le paysage sembla disparaître d’inertie. Ou plutôt, il sembla augmenter de Présence.

 

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