« Société du spectacle » et « Civilisation festive » (Guy Debord et Philippe Muray) (I)

Je vous propose de lire attentivement ce texte, qui sans présenter des solutions concrètes, met l’accent sur une bien triste et avérée réalité. Compte tenu de sa longueur, cet écrit sera publié en plusieurs fois.

INTRODUCTION :


Au moment où j’écris ces lignes (7 mars 2012), je reçois, comme des centaines d’autres internautes, un email d’Interflora rédigé comme suit : « J-1 avant la journée de la Femme : offrez un bouquet aux femmes qui vous sont chères ». A première vue, il y a tout lieu de se réjouir d’être averti d’un tel événement : n’est-ce pas l’occasion rêvée, en obtempérant à cette suggestion d’achat, de faire plaisir à la femme qu’on aime tout en célébrant, plus généralement, le sexe auquel elle appartient ? Et pourtant, d’où vient qu’on ne puisse se départir d’une espèce de malaise en lisant ce mail. Est-ce que cela vient du caractère injonctif de l’exhortation « offrez un bouquet ! » qui, en jouant sur la corde sentimentale, cherche à m’extorquer quelques sous pour un bouquet de roses ? De l’aspect intrusif du message (« mais de quoi se mêlent-ils ? ») ? Ou est-ce que cela ne vient pas plutôt de la forme d’ultimatum (« J-1 ») donnée à l’information à propos d’une fête que je respecte mais que je n’ai pas forcément envie de fêter à l’unisson de l’univers ? De tout cela à la fois aurait dit feu Philippe Muray, qui aurait ajouté que la source du malaise est plus certainement encore dans le sentiment diffus qu’il est plus que jamais impossible à quiconque d’échapper à l’idéologie des bons sentiments, impossible – sauf à s’isoler sur une île déserte – d’obvier à l’applaudissement obligatoire des grandes Causes humanistes : de la lutte contre la discrimination à la bataille contre le tabac, en passant par la mobilisation contre la guerre, les manifs contre le nucléaire, la commémoration de la Révolution française, et… la célébration de la journée de la Femme. Pour Philippe Muray, notre civilisation est atteinte d’un mal aussi étrange que paradoxal, qui n’est autre que… la passion du Bien.

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Entretiens intimes

Naissance

Il t’est donné de saisir la sagesse d’une naissance. Tout comme il t’est donné de réaliser la dimension contextuelle d’une telle naissance. Il ne t’est pas étranger de constater que cette naissance s’inscrit tout d’abord au sein même d’une synthèse. Elle a vocation de résorber certaines scories, liées à la phénoménalité d’une descente précise. Loin de t’en défaire et loin de le nier, tu as été l’observateur. Tu es né dans la lenteur. Elle est ce qui te permet de traiter les informations au sein d’autres informations. Elle est ce qui te permet, et de façon parfois brutale, de distinguer et de ne pas totalement adhérer à ce qui se révèle au sein d’un monde donné, lui-même héritier d’un long passé. Mais, il t’est donné aussi de t’extraire de toutes les contingences, puisque le temps biologique et naturel de ton horloge interne te retient de toute sa prodigieuse force. Il t’empêche de te dissoudre dans la force motrice et désordonnée d’un monde projeté en permanence sur les voiles opaques de sa propre illusion. Il t’a été donné de pouvoir, en une sorte de défragmentation, ajustée en permanence aux cumulations et mélanges de tous les éléments constitutifs de la déviance et par une sorte de préhension olfactive qui relève des champs subtils de ton être, relié en permanence à la rayonnance d’une source originelle, de voir, en un alignement, dont le relief cognitif te donne à la simultanéité horizontale et verticale, l’ensemble d’une lecture discriminatoire et méticuleuse. (FURQANE). En une atemporalité défiant toute réalité connue, tu voyages au sein de ces éléments sans aucun effort. Du moins, ceux-ci se sont estompés avec la pratique et, l’éclosion de ton être est une exponentialité effervescente de données, de tri, de rassemblement. Cela est la cité. Une organisation singulière, lumineuse, extraordinaire. Elle est entière, naissante et mouvante en une dimension imprenable. Cela a pour effet de manifester la Joie. Cette liesse n’est nullement dépendante des contingences. Tu deviens l’arbre.

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Dix mille êtres

Certaines cendres sont plus cruelles que le rugissement du lion dans la Savane. Mille crocs ne blessent jamais l’âme, mais la mort des cœurs est plus dangereuse que certains venins de serpent , alors éloigne-toi ! Eloigne-toi de ceux qui n’ont du cœur que la grisaille de leur corps. Certaines bêtes ont l’intelligence de leur propre verbe, tandis que beaucoup d’hommes deviennent la parodie du chacal. Alors, éloigne-toi, éloigne-toi du bruit de la ville et marche sans t’appesantir sur les jours à venir. L’homme a en lui les hurlements de son avidité. Il voudrait posséder les univers pour masquer sa douleur. Depuis longtemps déjà, il marque sa révolte et croit fuir ainsi son malheur en jetant autour de lui les filets de sa tragique prison. Depuis l’ignorance, il devient mi-homme, mi- bête et ne sait plus s’affranchir de la puanteur des sphères de ses ténèbres. Quand cela commença-t-il ? Lors qu’il crut qu’une part éparpillée de lui était un Tout. Il oublia les dix mille êtres. Il oublia sa réalité. Il oublia l’Origine. Alors, éloigne-toi, éloigne-toi de ce monde et commence le rassemblement en toi.

Le réveil

Peinture de Jaroslaw Jasnikowski

Lors qu’un homme dort, il en fait dormir des milliers d’autres avec lui, mais si cet homme est mort, il peut en tuer des millions sans même le regretter un seul instant. Et pourtant, que sera son réveil ?

Le roi Midas pensait qu’il avait pouvoir de transformer toute chose en or, mais il concourut ainsi à sa perte. Tandis que de nos jours, quelque chose de semblable est à se mettre en place, toute chose que l’on voudrait changer en l’esprit mercantile, augure d’une terrible catastrophe. Là où, l’homme, ou ce qu’il reste de l’homme devrait-on dire, pose sa main tentaculaire, là le bourbier des plus communs apparaît. Là où il fait usage de subversion envers la Vie existante, établie dans le préétabli, il fait naître un monde féroce.

Dame Nature ou l’éloge de la lenteur

Dame nature, on lui donnera tous les noms, vous en conviendrez certainement, qui a bien fait les choses, et ce, envers et contre tout, les humains, ou ce qu’il en reste, n’ayant plus de la nature, que l’idée formulée à partir d’un simple soubresaut de convenance écologique ainsi que celle d’un rapiéçage grégaire et sommaire, nous invite à la lenteur, la naturelle lenteur qui vient des fonds les plus ancestraux de la lumière. Patience… Dame Nature, et nous en faisons partie, nous apprend à revenir au rythme biologique. N’y voyez aucune contrainte, si ce n’est celle de vous contrarier dans votre temps. Or, là est véritablement le problème : la hâte. Dame Nature nous invite à la lenteur. Cessez de marteler de vos sabots à aiguilles et de vos noires chaussures cirées, les trottoirs de votre indigente distanciation. Dame Nature nous dit qu’Elle est l’immensité d’une pulsation équilibrée et qu’en vous hâtant, vous œuvrez dans l’indiscipline et engendrez la corruption ainsi que la confusion sur Terre. Ne vous hâtez donc pas !

Il existe, à vrai dire, quelques âmes, ici et là, en ce monde et dans un monde qui échappe à toute rationalité, ancrées dans la primordiale êtreté et guidées par l’Âme Suprême, sans qu’aucune réduction ne soit possible. Aucun échappatoire ! Nul ne pourra fuir face au Retour de la Lumière, quand même Il serait à se manifester, dans un premier temps, sous la forme d’un énorme et cruel Chaos. Ceux mêmes qui agissent au sein de ces ténèbres, le font dans cette semblable ténèbre qu’ils pensent vous imposer. Doit-on en rire ? Parfois, nous le serions tenté. L’effet du miroir est implacable. Le déni n’y changera rien. Le Regard du Sphynx est cru et sans nuance. Las, il semble qu’il n’y ait d’autres alternatives. Ainsi ce monde subtil brasse et tamise à l’insu de ceux qui sont à le vivre. Ce brassage n’oublie pas un seul atome de notre réalité. Chaque fois que vous essayez de l’évincer, de l’écarter, il revient encore plus fort. Cela est à se précipiter de plus en plus. Pourtant, seuls ceux qui se seront abandonnés à la Réalité suprême, sauront trouver la Guidance au milieu des ténèbres. Il n’est pas un atome qui échappe au Regard du Sphynx. Il n’est pas un atome qui échappe au Pôle du Monde.

Facétie d’un monde périssant : Splendeurs et misères des courtisanes

Déjà plusieurs masques s’étaient montrés en riant ce monstrueux personnage, d’autres l’avaient apostrophé, quelques jeunes s’étaient moqués de lui, sa carrure et son maintien annonçaient un dédain marqué pour ces traits sans portée ; il allait où le menait le jeune homme, comme va un sanglier poursuivi qui ne se soucie ni des balles qui sifflent à ses oreilles, ni des chiens qui aboient après lui. Quoiqu’au premier abord le plaisir et l’inquiétude aient pris la même livrée, l’illustre robe noire vénitienne, et que tout soit confus au bal de l’Opéra, les différents cercles dont se compose la société parisienne se retrouvent, se reconnaissent et s’observent. Il y a des notions si précises pour quelques initiés, que ce grimoire d’intérêts est lisible comme un roman qui serait amusant.

Extrait des Splendeurs et misères des courtisanes d’Honoré de Balzac.

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Facétie d’un monde périssant

Notes de passages :

Personne ne franchit le seuil de la vie sans apprendre et j’aime, depuis longtemps, malgré les contorsions, les inepties, malgré les incohérences, les extrêmes indolences, les impromptues déliquescences, les confusions et les spasmes vulgaires ainsi que leurs débauches purulentes, j’aime que nous ne soyons jamais dupes, ni même n’éprouvons la moindre peur. L’état vrai ravit l’état, plus loin encore que les mensonges dissous dans l’impénétrable monde naturel et primordial. Le bonheur est pérenne, et la joie vive, en la Présence de la Présence. Il est Celui qui anticipe, depuis l’aube déclarée, parfaite remembrance, et au sein même du rêve, qui comme effervescent de miroirs suppléés, agrémentés de reflets argentés, le cœur est étreint sans que nul ne puisse plus l’atteindre, tandis qu’un monde surgi d’un autre monde, définitivement donne accès à la pleine plénitude. Certes, dans les villes, rugissent des bêtes affamées. Leur bruit grossier, immonde, ne fait que les révéler. Le marécage putride de leur mental augure, hélas, que les temps sombres menacent, à l’horizon, la cité semblablement aux nuages flottant au-dessus de Ninive.

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Viatique 32 – Avance !

chapsal_le-poete-mourantPeinture d’Eloy Chapsal (1811-1882), Le poète mourant

 

Avance, car, en vérité, tu n’as pas le choix !
Est-il de ce monde quelque chose que tu ne perdes
Finalement ? Tout t’est prêté, rien ne t’échoit ;
Il n’est rien d’indument pris que tu ne reperdes.

Avance sans regarder en arrière, droit devant !
Sur ce que tu as manqué, point ne t’y attarde
Car cela t’empêcherait d’aller de l’avant.
C’est par la claire conscience que s’enlève toute écharde

Que ton aveuglement a planté dans tes pieds
Égarés dans les ornières et les fondrières
D’un monde perdu dont voici venir l’heure dernière.

Que t’importe, désormais, d’être un vanupied ?
Celui qui rit finira par six pieds sous terre
Et quiconque croit savoir ferait mieux de se taire !

 

Marc