Alors, Le Roi se met à rire ou Le Chant du Chevalier

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Ai-je cru une seule seconde que La Vie se gouvernait Seule ?
Le Regard extatique a rejoint L’Origine du Regard et en Lui a vu.
Les faisceaux de Sa Volonté sont une Sagesse qui rayonnent depuis Le Commencement.
C’est La Seconde qui se suspend.
Depuis, je suis en Elle qui ne jamais finit.
En Ce Premier Verbe éclosent des milliers de verbes.
Tous sont en cet Echo.
L’Onde se répand en Lumière.
Les ténèbres ne sont que les cavités occultes d’une matrice.
Ne t’y arrête pas, quand bien même tu percevrais des étincelles.
Continue.
Ne cherche que Lui !
Vois La Danse Ascensionnelle.
De cette Braise est L’Ardence d’une Aspiration.
Ne souhaite rien.
Ne regarde rien.
Ne t’attarde en rien.
Le Chemin est La Seule Finalité qui est Lui.
Je n’ai pas oublié.
Il est en Son Souvenir.
Il est La Main Large qui se déploie.
Il est Les milliers de Chevaliers qui tous filent à La Vitesse d’un Vent Sublime.
Mille Portes s’offrent à Ton Regard.
Des vagues de Joyaux qu’Il dépose à tes pieds.
Ne prends rien.
Ne touche pas.
File droit.
Les coursiers sont les flammes de notre intensité.
Mille courtoisies et mille Révérences.
Il est Celui qui enseigne les soieries de Son Drapé.
Les Convenances.
Il est Tout Cela.
Un chevalier avance en ce pas.
Il est à ne jamais vouloir arriver.
– Pourquoi donc mon Bien-Aimé ?
Le Chevalier en des Yeux Languissants répond :
– Je ne veux jamais Te quitter, Ô Toi Océan de La Proximité !
Plus est longue La Distance et plus je suis proche de Toi.
Je marche en cette cadence qui se suspend en Ton Regard.
Ô Plénitude de La Rencontre en cette Distance.
Ô Secret de La Demande !
Ô Ma mélancolie qui me donne à T’aimer encore et encore Te désirer !
Lors que j’ai froid, Tu m’enveloppes des douceurs du vent de L’Orient.
Les nouvelles qu’il féconde en ces Cieux du Mystère sont mon sourire Béat.
Lors que j’ai soif, je baise La Main qui m’abreuve et oublie ma soif.
Mon Roi, du Chemin de mes pas, je suis ivre, ivre de Toi !
L’obsession de Toi est savoureuse de notre Union Secrète.
Plus je suis en ce languissement et plus Tu es là.
– Je te soupçonne de ralentir le pas pour ne jamais perdre La Soif de Moi.
– Oui, Seigneur de mon Âme.
– Je te soupçonne de recommencer par goût de venir en Moi.
– Oui, Seigneur de mon Âme.
– Je te soupçonne de faire mine de ne pas Me voir, pour Me voir encore !
– Oui, mon Seigneur !
Alors, Le Roi se met à rire.

Souffle de Vie

 

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Du seul Baiser que scelle Ton souffle
Ce Toucher est ma Certitude.
En Ton Regard est aussi ma Coupe.
S’y noyer est L’Effusion d’une Voûte.

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L’Ami,

Je te veux confier ceci, Ô L’Ami !
Nous sommes Son Souffle de Vie.
Nous sommes cette pleine Vie.
Le Jaillissement de vagues successives.
Que sommes-nous ?
D’aucuns sont à croire que nous usons d’artifices.
Il n’est de transe qu’en cette Traversée Orientée !
Elle est La Flèche de L’Origine.
Sommes-nous maître de ce qu’Il décrète ?
L’Ivresse provient de Son Nectar Sublime!
Quelle Force !
Dieu est Extatique de Son Verbe Incréé.
Nul ne peut soupçonner cette Absoluité sans y avoir goûté.
L’Âme Divine est Ivre !
L’Amant, c’est Lui !
Cette ivresse est Pure Lucidité.
Elle nous éclaire et nous guide.
Le Chemin est cette Vie dont on voit les Jalons.
Ô Verbes de La Proximité !
Te confierais-je ceci ?
Nous sommes encore à vivre L’Ivresse du Premier de Ses Chants.
Son Echo fait pousser les petites semences et mouvoir les flots !
Observe L’Océan !
Il danse de La Première Parole.
Chaque goutte en est Le Flux poétique.
Observe chaque herbe, le vent les caresse de ce Premier effleurement Verbal !
Observe le vol des oiseaux, Il les porte depuis le Premier déploiement de Sa Main Aimante !
Observe Les Montagnes, elles sont plantées depuis Le Premier Fracas Lors qu’Il l’a décrété !
Observe les yeux, L’Iris tremble de Son Premier Émoi !
Observe les battements de ton cœur, il est à cogner des effluves de Sa Présence !
Observe ton sourire, il est à dessiner le toucher de Ses Doigts !
Oh, L’Ami, je suis ivre de Son Monde qui est encore à se déployer.
Jamais je ne suis lasse de Lui.
Il est à m’enivrer de Son Ivresse.
Je marche et je vole sans ne plus savoir rien.
Tout autour de moi me rappelle mon Bien-Aimé.
Chacun de Ses Pas fait de moi Son esclave.
Je ris !
Il me libère de tout ce qui n’est pas Lui !
Son Jeu est un chemin.
Il me prend le désir d’embrasser Le Monde.
Je vous aime de L’Intensité qu’Il a de m’aimer.
Je vous aime de L’Intensité qu’Il a de vous aimer !
Il a dilaté La Pupille de L’Amant et La voici qui flotte, suspendue en Ce Ciel.

Lettre ouverte en cet instant ( 1 )

Illustration de Jessie Willcox-Smith

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L’hébétude est une sorte de Perplexité émerveillée.
Suis-je née en Cela ?
Est-il important de parler de soi ?
S’il était possible, un seul moment, de se dissoudre en Cela, alors, je serais cette Eclipse.
Cette Permanence en Son Unique Éloquence.
Le fait de s’évanouir en Lui, est assurément faire ce pas et proclamer : ce n’est pas moi.
Je n’ai pas changé.
Il s’est déployé.
Les Ailes de La Proximité effleurent en cette Grâce, les soies du Ciel.
Les yeux se sont voilés des mille voiles de Sa Pudeur.
Lors que ces drapés flottent en La Vision, il est comme L’Apparition.
Le Cœur frémit.
Je sais que Cela est depuis La Lumière de L’Origine, Sceau de La Prophétie, Complétude de L’Unicité en Sa Totalité.
Verbes qui s’extraient des Nues de La Source.
Soleil et Lune tout à la fois.
J’aspire en ce qui est Sa Seule Réalité, Lui, Ô Lui, La Resplendissance de Lui, à témoigner et à renouveler mon serment.
Je suis la petite fille qui n’a pas dix ans.
J’entre en cette solennité dans la chambre.
Je tremble d’une indicible exaltation.
C’est Le Cœur qui reçoit.
Suis-je ?
Je fais ce serment : Seigneur de mon Âme, je Te glorifierai de Ta Sainte Gloire.
Je ne suis qu’une petite fille.
Je marche et je joue, comme tous les enfants.
Je ne sais rien.
Il est Là.
Je L’aime.
Je ne suis pas la vie, Il est La Vie !
Il est devenu ce Confident depuis que j’ai six ans, lors qu’il se passa cette étrange Révélation :
Ma mère avait coutume de nous laisser quelques courts instants pour faire de petits achats et me confiait la garde de mes petits frères et sœurs.
Elle me disait : L’oiseau vous surveille.
Chaque fois qu’elle sortait, j’allais de fenêtre en fenêtre et guettais ce fameux oiseau.
Je voulais le voir et lui parler.
Je me disais : comme il doit être gentil ! Comme il veille sur nous !
Un jour, n’en pouvant plus, je demande à ma chère mère : Mais où est-donc cet oiseau ? Je le cherche partout, partout et je ne le vois pas.
Alors, mon aimée maman, toute rougissante, me confie ceci : Oh, ma petite fille, je te demande pardon, ce n’est pas ainsi que sont les choses. En fait, cet oiseau n’est pas La Réalité. Mais il est un Dieu qui nous a créés et qui nous voit. Où que nous soyons, Il peut nous voir, même en nous.
J’écarquille les yeux et sens soudain une douceur naître et m’envahir telle une chaleur bienfaisante.
Je suis en un état d’Amour.
J’interroge alors ma mère : Dieu, peut-Il nous voir, même dans le noir ?
Elle me répond : oui, mon enfant.
Je ne sais pas ce qui se passe.
Je flotte.
Mon cœur semble s’élargir.
Je ne suis plus ici.
Je suis là-bas, quelque part que je sais Être.
Je n’en doute pas une seule seconde.
Je sais que Cela est Vrai !
Je me sens mue par une force amicale: j’entre à l’intérieur d’un placard, et je m’y enferme.
Je suis dans le noir.
Je tends la main.
Je ne vois rien.
Mon propre bras échappe à ma vue.
Alors, il se passe une étrange chose.
Je pleure d’Amour.
Je sens Sa Présence.
Je lui dis : Tu vois mon bras, alors que je ne le vois pas !
Je suis en un état indescriptible.
Tout L’Univers me submerge.
Je pleure de Joie.
Je me sens unie à Lui.
Je lui dis : j’ai un Ami.
Je ne suis pas seule.
Tu es mon Ami.
Depuis, L’ai-je jamais quitté ?
Tout ce que je sais, c’est que Lui ne me quitte pas.

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Milarepa

Ce tombeau, je l’ai tapissé de Toi,
Et mes yeux ont revêtu Ton Jardin.
C’est à cette Table que j’ai eu faim.
Une misérable reçoit Le Roi.

Elle tremble des Souffles de L’Aube.
Ses mains sont celles d’une paysanne.
Tu as fait de moi Ta courtisane.
Depuis, j’attends que le Jour tressaute.

La Nuit voit encore mes soupirs croître.
J’ai rencontré mon Frère qui pleure.
J’ai essuyé ses larmes et me suis enfermée en ce cloître.
Il est une Caverne qui est Son Cœur.

J’ai bu en Sa Gloire et Ses Larmes sont miennes.
Elles sont tissées des fils de Soie de notre Rencontre.
Mille Chants sont L’Éloge Suprême
Et je suis au Seuil de Sa Demeure Féconde.

Je suis venue en silence pour Le voir.
Il ne doit pas surprendre cette folle qui s’évade.
Comme ont ruisselé les effusions de mon Amour !
Milarepa, tout est poussière, lors que Tu chantes.
Ton Oraison est parvenue jusqu’au Siècle.
Les quatre vents de tous les points cardinaux ont raison de nos frontières.
Comme en cette Profondeur, je me sens si pleine de Toi et de Ta Splendeur !
Mon frère du bout du monde !
Tes pleurs sont le ravinement qui procure la douce heure.
Comme est Belle La Conscience qui s’unit au Ciel !
Je T’ai visité en ce Chemin de douleur.
La peur est celle qui a fait trembler Ton Cœur.
Comme les secousses sont le fracas du Ciel et La Torpeur du dormeur !
Milarepa, je suis front à terre.
En Ton écorchure, j’ai reconnu les lamentations éternelles qui sont devenues Ta Joie !
Tu es Le Témoin des Révérencielles Aspirations.
Comme L’Âme est Son Noble Mystère !
Milarepa, Dieu bénisse ce jour où Tu es né sous Son Regard.
Bénies sont Tes Paroles de La Haute Présence !

Je L’aime

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L’Ami,

Il est deux temps, et nous sommes à le considérer ainsi en notre toute vigilance.
Pourquoi deux temps ?
Pourquoi ce rythme bien étrange ?
Nous marchons sur ce sentier, presque perdus en ce paysage vallonné.
Au loin, les montagnes ceignent le ciel.
Parfois, je suis à voir en ce monde une valse occultée.
Je ressens que ce n’est pas moi qui voit, mais ce Tout.
Je me sens faisant partie de ce Tout.
Ce Tout est en moi.
Ce Tout est perçu sans cesse comme Une Unité.
L’Ami, c’est le coucou qui nous suit de branche en branche.
Son chant fait un écho à nos cœurs qui l’attendent depuis tout cet hiver.
L’Ami, le coucou nous suit.
Comprends-tu ?
Tout ce qui est en ce monde est nous.
Je ne me sens pas séparée.
Pourtant, la nature de ce monde est à se refléter en un singulier balancier.
Si nous trouvons la verticale, cette corde lancée depuis Lui, alors nous expérimentons la paix.
Je ne suis pas à évoquer la tranquillité qui serait une sorte de relaxation provisoire et de raccourci de conscience.
Je parle de La Paix qui procède du sens et du lien profond qui seraient à relier chaque chose à son origine.
Je parle de La Paix qui est au creux du temps suspendu en ce balancier.
Je parle de La Paix qui est L’Onde soutenue des propos de L’Espoir, lors que ces aspérités sont à le renforcer.
Nous marchons en ce pas cadencé que des palpitations enracinent au plus profond de nous.
J’ai ce sentiment crucial où tout s’immobilise et où Tout voudrait se marier.
Là, en ce Ciel qui fait battre ma veine jugulaire.
J’en ressens les élancements et je me dis : Ô Toi, en ce Tréfonds du Tréfonds, sois ! Sois mon Éternité Radieuse de Ta Présence.
Il est à parler, moi qui ne sais rien dire.
Suis-je à dire ?
Que se passe-t-il si je recule d’un pas ?
La Majesté est Royale de Sa Royauté.
Les murmures depuis les feuillets tremblants de L’Oraison Vive sont à accrocher les sens.
L’Essence.
Lors que Tout est vide, Tout est plein de Lui.
Lui qui est ce qui est, en Lui.
Pauvreté de l’indigence est pauvreté de notre surdité et de notre cécité.
J’ai vu l’étroitesse de la pensée qui n’est plus à penser.
Il est deux temps et un troisième que l’on méconnaît.
Il est ce Temps de L’Axe de La Primordialité.
Comme l’échapée, nous voici soudain surprise : C’est là qu’est La Corde Lancée.
En cette issue, la seule, je me suis accrochée.
Puis, un jour, j’ai su qu’Il est Le Seul à tenir.
Il en est qui parle de L’Arbre de Lumière.
Il est L’Arbre de Vie.
Tout s’est confondu, tout s’est élancé.
Ô ma voix, Ô cette voix qui se prolonge en un lancinant appel.
Il en est qui poursuivent une route tiède.
L’Ami.
Sais-tu ?
Le coucou nous suit de son appel espiègle.
Et je L’aime, et je L’aime.
Sur les lèvres de la solitude, une douceur est née.
Il s’agit de Son Sourire.
Et je L’aime, et je L’aime.
S’il est une seule seconde de distraction, le monde se désagrégerait.
Il nous a rendu responsable de cette Présence.
Elle est notre Pacte.
L’Accord qui dit « Oui ».
Ce monde ne tient pas par l’indolence.
Une seule seconde et tout bascule.
Toutes ces lumières que recueillent les cœurs de L’Amour sont tels des piliers.
Une seule seconde, et ce monde serait une poussière, un néant ?
Entends comme est à battre le cœur des fidèles.
Il cogne si fort que les montagnes pâlissent d’envie.
L’homme est cette Seconde d’Amour qu’une perle concentre en un suintement de milliers de Rosées.
L’Ami.
Le coucou est à résonner en ce Pouls de L’Univers. Je L’entends, où qu’il soit…

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L’Eprouvée

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Le Chemin est La Constance qui éprouve L’Éprouvée.
Je ne tiens pas à Toi, lors que Tu es Le Seul à tenir.
Tu as saisi l’indigente depuis L’Aube de toutes les Aubes,
Et cette poigne est Ton Souvenir perpétuel.
Etre Ta captive est toute ma réalité.
Je suis un oiseau qui a besoin du Ciel pour voler.
Je suis le poisson qui a besoin de L’Eau pour nager.
Je suis L’Amour qui a besoin du Cœur pour aimer.
Mille épreuves n’ont raison de mon être, et
Suspendue à La Bouche de L’Origine,
Lors que Ton Souffle s’immisce en ce que Tu fais de moi,
Je suis à couvrir les voiles de La Transparence.
Mille épreuves qui sont à raffermir mes pas.
Si Tu ne viens pas, alors, je vais vers Toi.
L’Unique est ma fougue et je suis braise et Flamme à la fois.
De mes larmes s’écoulent des torrents bouillonnants de désirs.
Qu’importe ce qui se dit, puisque c’est Toi et encore Toi !
Qu’ont-ils à Te réduire à ce qui est Ton Jeu ?
J’ai sautillé.
J’ai levé les yeux.
Sais-Tu combien Le Firmament est Bleu de Toi ?
Ô Azur de mon Étreinte sauvage !
Ô Violence des remous du Tumulte de Toi !
Ô Bénédiction des Paroles infuses en Ton Océan incandescent !
Viens, toi, l’indigent, et toi, l’Illusion, et cognez-vous tout contre ma fougue !
Ô passant, viens-y, ose assécher ce qui ruisselle farouchement de Lui !
Viens de ton aride fougue et blesse-moi des mots de ton insouciance.
Viens anéantir tout ce qui n’est pas Lui !
Viens, je t’attends et je suis à brandir Le Flambeau de ma nuit.
La béatitude est L’Extase de mon ivresse.
T’ai-je demandé de croire en l’insensée ?
Mille fois éprouvée par les vagues et les vagues de Sa Réalité abondante.
Je suis rebelle des dormances de l’éphémère.
Si tes yeux ont raviné les vallées de la profondeur, viens et cogne-toi à ces flux sanguinolents de mon désir.
Si tu as les pieds écorchés de tes déboires, viens boire au creux des mains du Bien-Aimé et cesse de fuir.
A L’Ombre de Son Trône, il est des branchages de Son Amitié Augurale.
Son Soleil est devenu La fraîcheur des Nuits de mes brûlures.
En ces jaillissements sont cachés les ruisseaux de L’Âme.
Chaque mot a ciselé les rencontres de Sa Majesté et chaque phrase s’est élancée vers Les cimes de Sa Beauté.
Il est une Traversée qui est devenu L’Océan tout entier.
Si tu es vaillant, viens et ne sache plus si du jour et de la nuit, il est un retour possible !
Abandonne tes raisons et tes futilités et plonge en La Mer de Son Intimité.

Et la Lettre engendra le Verbe – Lām

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Lām

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Trente.
Ciel enroulé dans Sa Ténèbre
Dont les six directions sont sans borne,
Ni espace, ni temps,
Sublime en Son Mystère,
Pure en Sa Profondeur,
Subtile et vide comme un berceau de lumière non irradiée,
Palais de la Puissance,
Tribunal de la Volonté,
Université de la Science totalisante,
Source de Vie universelle
Siège de l’audition sacrée,
Œil de toute vision intuitive,
Coffre-fort de la Parole synthétique,
Par Elle,
Ce qui était subtile évanescence prend corps
Et ce qui était préservé derrière les voiles
S’enveloppe du drap des apparences.
Si l’Ange annonciateur se tient entre l’Unique affirmé et le Messager agréé,
C’est que l’initiale est un pontife, comme un isthme,
Que le Verbe absolu de l’Alif primordial traverse
Pour atteindre le mîm de la Révélation
Dans le parachèvement du manifesté.
Car l’initiale est la mère des secrets du Subtil !
Issu du monde de la Puissance,
Le monde de la Royauté se nomme désormais UN sans second !
De Lui rayonne la Bonté de la miséricorde parfaite
Qui pénètre toute réalité et chaque être,
Depuis la Cité sûre et préservée
Jusqu’aux confins des mondes vassalisés.
Car nul ne saurait se soustraire à la douce tendresse qui s’incline !
A Lui, le monde des réalités allusives
Sans restriction aucune,
Que le voyageur n’atteint que par la science de l’au-delà des vocables.
A toi, l’âme subtile qui aspire ardemment au séjour cordial,
Le Chœur des cœurs assoiffés
qui se rassemblent en unisson
Pour chanter sans se lasser les versets de l’Amour !
A toi, les lueurs des prémisses de ton aurore,
Les éclairs de ton midi
Et les clartés de ton crépuscule béni !
Toi qui chemine en ces contrées lointaines et rapprochées,
Pénètre dans les sentiers de ta nuit la plus profonde
Et voyage vers la rencontre lumineuse
De celle qui t’offrira l’amande,
Le rubis et la clé.
Deviens l’amoureux de l’Amour !
Invoque-Le du nom de ton choix
Car, quel que soit le nom que tu Lui donne,
Sa réponse est : « Me voici, à toi ! »
Deviens l’amoureux de l’Amour
Et le digne héritier du poète insensé
Qui fuyait son amante
Tant il était épris de son amour pour elle !
Son nombre est soixante-dix.
Source des quatre fleuves du Jardin
Issus de l’Arbre du Monde
Dont les fruits te parviennent sans que tu les cueilles,
Dont la ramure est le séjour des bienheureux.
Sous son ombre apaisée,
Moïse goûte la fraicheur du jour et de la nuit
Car il est l’arbre de la Compassion universelle.
Sur sa branche la plus haute,
S’invite la Colombe
Qui d’ordinaire habite le Jujubier le plus élevé,
Son œil porte en avant, en arrière, au-dessus et en-dessous.
Elle est suivie de l’Aigle dont la vision est pénétrante
Qui maîtrise l’inspir et l’expir, la systole et la diastole.
Sur les branches les plus basses,
Le Phoenix a élu domicile
qui, sans se lasser, donne et reçoit sans contrainte,
Épousant toute les formes qui se présentent à lui.
Enfin, le ténébreux corbeau se dresse au pied de l’Arbre,
On le nomme « Dernier »,
Sur son dos, les êtres s’appuient et prennent leur envol
vers la patrie de l’Origine.

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Clé de Lām

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Source.
Royauté du Verbe de l’Unique
Où s’originent L’Être et la clarté de l’âme.
Ciel.
Voir
Les prémices de la passion
Et le fruit de la Puissance
Et le fleuve des anges
Et le cortège des bienheureux…
Entendre l’unisson sans la moindre restriction !
Une colombe !
Synthèse de la bonté,
Juchée sur l’arbre de l’Empire,
Ô alīf préservé des trois unités !
Le voyageur qui se pare de ta vertu,
S’éloigne à jamais de l’illusion des apparences.
Le Palais du temps est la subtile limite de Sa Volonté…
Initiale.
Car l’aigle est parfois épris de son ombre quand il plane…
Car le poète est parfois jaloux du rubis de l’aurore…
L’un comme l’autre ont occulté leur vision,
Ils ignorent dans leur vanité
Que la Cité sûre est l’oeil du monde !
Achèvement.
Le phœnix de la compassion
Est l’héritier des parfaits et leur vassal.
La mère couvre les corps rassemblés
D’un voile de fraîcheur
Tandis que l’insensé, dans un éclair, contracte dans son oeil
Le proche et le lointain.
Réalité.
Un corbeau plus noir que la ténèbre,
Seul un homme est parvenu jusqu’à son nid
Au sommet du jujubier dit de la limite ultime,
Aboutissement d’un voyage nocturne,
Origine sacrée de la Révélation
Qui fut répandue sur la terre des hommes,
Signe par signe, verset par verset.
Nuit.
En plein midi,
Alors que le vide envahissait tout l’espace,
Trente et dix années d’épreuves infligées au peuple de Moïse,
Avant que ne lui soit remise la clé de Canaan…
Trente et dix années
Avant que le crépuscule enfin
N’éteigne les dernières lueurs de l’amande solaire.
Ténèbre.
Il S’est manifesté sans second au coeur de Son amant
Qui connut à l’instant le profond mystère du lām,
Né de l’alliance de l’alīf et du mīm…
Que monte le chant de l’Union de l’Être et de la créature
Car l’audition attentive de celui qui est épris
Vient d’une inclination secrète de l’en haut
Qui donne soixante-dix fois et plus son agrément
À ceux qui suivent le sentier jusqu’à trouver, aux confins de la terre,
L’isthme qui unit les eaux tumultueuses des deux océans.
Miséricorde.
Vois comme le mīm descend graduellement au Ciel le plus proche !
Le dernier devient alors premier !
Saisis l’intuition !
Et comprends que cette contrée jusqu’alors ignorée
Est devenue le jardin luxuriant de ton âme apaisée

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Treizième coffre : lām

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Al Andalus !
Écrin de la Sagesse éternelle,
Maison natale du sceau de la sainteté,
Terre d’accueil des amoureux de l’Amour,
Occident fabuleux du nouvel Orient,
Terre de l’achèvement…
Mursya !
Perle des Omeyyades,
Cité de ta naissance,
Ô toi le surnommé “Fils de Platon” !
Tu fis tes premiers pas dans la Voie de l’Unique
En tenant la main de ta tante issue de Cordoue la généreuse,
Tout en suivant la course du Soleil des indigents, ton premier maître.
À Cordoue, tu conversas avec le philosophe du temps
Et malgré ta jeunesse, tu ne fus pas abusé par le “oui” de la raison discursive
Auquel tu répondis “oui et non” !
Montrant au sophiste, l’espace étroit par lequel
Les esprits échappent à la pesanteur de la terre !
Tu épousas la fille des serviteurs,
Celle qui tenait en sa main la vie céleste, Marie la bien nommée.
C’est alors que la mort eut raison de ton âme
Mais non de ton corps !
Le père de la Charité accepta de prendre ta main et féconda ton cœur.
À l’issue de neuf mois de gestation spirituelle,
Tu naquis à la “Vita Nova”…
Séjournant à Fès la lumineuse,
L’Envoyé te transmit les gemmes de la Sagesse universelle,
Une seule nuit pour apprendre de source sûre
Que chaque tradition est taillée dans le même diamant!
Tu quittas ta contrée initiale afin de rejoindre
l’Orient de ton Occident !
Cet exil volontaire devint le refuge de ta proximité
Car si ton corps parcourait les routes,
Ton esprit quant à lui ne connaissait ni distance ni séparation…
Tu étais déjà parvenu dans le Palais de l’intimité.
Auprès de la station de la pierre noire,
Tu fus subjugué par le visage de l’Harmonie,
Celle qui illumina ton calame et te souffla ton livre majeur.
Ton séjour sur cette terre pris fin à Damas, ville d’origine…
Mais doit-on croire à ta mort ?
Toi qui engendras des fils par delà les siècles,
Toi qui parles toujours à l’oreille des connaissants et des apprenants,
Toi dont les écrits conservent intacts
Les gemmes de la Sagesse Universelle.

Jean d’Armelin

Dors

Toi qui ne connais pas l’amour,
Tu peux te le permettre: dors.
Va, son amour et son chagrin
Sont notre bien à tous, toi dors.

Chagrin de l’amant: un soleil,
Nous particules, particules.
Toi qui n’as pas vu dans ton coeur
S’élever ce désir, toi dors.

En cherchant à m’unir à lui,
Je m’écoule comme de l’eau.
Toi qui n’as pas cette tristesse
Du « Mais où donc est-il? » toi dors.

Il passe, le chemin d’amour,
Hors des soixante-douze voies.
Puisque ton amour et ta foi
Ne sont que ruse et feinte, dors.

Son vin du matin, notre aurore,
Son charme seul, notre dîner.
Toi qui veux manger des délices
Et te soucier du dîner, dors.

Dans notre recherche alchimique,
Comme le cuivre, nous flambons.
Toi, le lit est ton compagnon
Et ta seule alchimie, toi dors.

Comme enivré, à droite, à gauche,
Tu tombes, puis tu te relèves.
Maintenant la nuit est passée,
C’est le moment de prier, dors.

Le destin a clos mon sommeil,
Alors va-t’en, toi le jeune homme,
Car si le sommeil est passé,
On peut le rattraper, toi dors.

Tombé dans la main de l’amour,
Mais que va-t-il faire de nous?
Toi, tenu dans ta propre main,
Mets-toi sur ta main droite et dors.

Moi, je suis un mangeur de sang,
Toi, mon cher, mangeur de délices.
Puisqu’à la suite des délices
Le sommeil est naturel, dors.

Moi, j’ai coupé toute espérance
De mon crâne et de ma pensée.
Toi qui conserves comme espoir
Pensée humide et fraîche, dors.

J’ai déchiré l’habit du mot,
J’ai abandonné la parole,
Mais toi qui n’as pas le corps nu,
Tu as besoin d’un habit, dors.

Rumi

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le_dormeur_du_val_by_gillesgrimoinPeinture de Gilles Grimoin

Mémoire atrophiée ( cycle 3 )

                                                                                Peinture de Serguei Toutounov

 

L’Ami,

Ce sont des pas qui suivent le sentier en continu.
Ils sont à l’image de mes pensées jaillissantes.
Ils sont à l’image de ce Vivant qui est Vivant de Son plein Vivant !
Ils sont entiers de leur mesure et de leur démesure.
Je pensais que je n’étais pas de ce monde et finalement, aujourd’hui, je puis le dire, ce monde n’est pas mien.
Je ne suis pas à évoquer la création Divine qui est en Son Absoluité mon entière Joie.
Celle-ci comprend le monde visible et tant d’autres mondes.
Le monde de L’Esprit en fait partie.
Celui-ci est à donner les ouvertures que nous méconnaissons encore et toujours.
Néanmoins, ne sont-elles pas là ?
Ces Ouvertures de Grandes Majestés et de Grandes Beautés ?
Je n’ose tout dire.
Oh, je n’ose tout dire.
Je regrette juste ceci : les hommes sont tellement pauvres qu’ils sont en-dessous même du seuil de la pauvreté.
Je me suis promenée sur les rives de leurs limitations, et chaque fois, je me sentais une étrangère. Étrangère à leurs limitations.
Ils m’ont donné ce puissant sentiment étouffant.
Je les remercie du plus profond de mon âme et de mon cœur.
Leur pauvreté m’a fait réellement comprendre ce qu’est la misère.
Je me suis cognée à cette dernière.
En m’y heurtant, j’ai su, jour après jour, que leur misère me révélait la richesse qu’ils ne possédaient pas.
L’Ami, combien de fois sommes-nous à nous dire : pour rien au monde, je ne voudrais de ce qu’ils sont à vivre.
Pour rien au monde, je ne les envie !
Pour tout l’or du monde, je le dis en vérité : rien, absolument rien, ne colle à mon âme de ce qu’ils ont déployé depuis tant de siècles.
Je n’envie ni leur pensée, ni leur bruit, ni le lit qui est leur couche.
Je n’envie ni leur monde ici, ni celui dans lequel ils basculeront, un jour !
Je n’envie pas leur insouciance et leur fausse paisibilité.
Je n’envie pas leur image répandue jusqu’à l’usure et qui entretient l’idée qu’ils sont importants.
Je n’envie pas non plus les mots qui souillent leur bouche.
Je n’envie pas une seule seconde de leur souffle qui s’épuise en leurs éparpillements.
Je n’envie pas leur projection sur ce monde qu’ils pensent posséder.
Je n’envie rien de leur condition de mémoire affaissée.
Ils sont à se ruiner sur les sillons du Temps qui passe.
Ils ourdissent des complots dont ils sont les premières victimes.
L’Ami, s’ils savaient, ils seraient à genoux à invoquer une rémission.
Leur oubli est le signe de leur absence à toute Réalité, tandis qu’ils pensent que leur action en ce monde est une réalité !
Je me suis ennuyée à la vue de leur mascarade.
Nous nous devons aujourd’hui de marquer à tout jamais de notre profonde indifférence tout ce qu’ils sont et nous détacher de leurs croyances illusoires.
Elles obstruent, jour après jour, La Lumière.
Elles sont à jeter un voile opaque sur ce que nous sommes.
L’Ami, je ne suis pas une idéaliste.
Je ne suis pas une utopiste.
Je vis en cette pleine unité qui se cogne encore en cette dernière vague du cycle de l’Humanité.
Pourtant, je marche.
L’Ami, je n’ose tout dire.
Oh, je n’ose dire ces choses qui restent drapées dans les plis du Secret.
Il viendra un Temps et tout sera à parler.
Il viendra un Temps, et tous nous serons émerveillés, mais nous serons tous à passer par la stupeur de notre ignorance et de notre indigence.
Il viendra un Temps où soudain, les choses seront à danser en un tournoiement prodigieux de Sa Seule Prodigiosité !
Car, il est un Commencement qui se cherche, et une finalité qui provient de cette Origine !
Il est certes, deux sortes de combats et le plus grand est celui qui sera de laisser agir La Réalité du Chaos Ordonné.
Mon rire n’est rien d’autre que cette Cascade de certitudes qu’enfile un collier de perles.
Chaque chose se suspend à l’instant qui féconde la pensée.
Or, je suis à marcher en ce jaillissement du collier de perles perlées, et je suis à marcher en ce pas cadencé de mon intention. Jamais, je ne suis à hésiter. Jamais ! En ma fragilité humaine est une force qui est à se dévoiler. Cette force est ma ténacité.
Comme la Rosée est le suintement tangible d’une Victoire annoncée !
Comme est pauvre celui qui vit ce monde en sa mémoire atrophiée !