René Guénon

Il nous est apparu, et ce malgré notre attachement profond pour les écrits de Cheikh Abdel Wahid Yahia, celui que l’on nomme René Guénon, et ce malgré l’attribution de son nom musulman et arabe, qu’il existe encore de nos jours une réelle méconnaissance de son œuvre. Nous ne prétendons pas détenir les clés ouvrantes de sa mission, bien au contraire et il serait prétentieux d’en faire une étude approfondie. Elle est, et à plus d’un titre, une œuvre métaphysique et spirituelle majeure dans la manifestation de notre temps et notamment en Occident. Nous ne saurions le contester. Du reste, j’invite nos lecteurs à se référer directement ou indirectement à son immense et méticuleux travail.

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La grande erreur des voleurs de Religions

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Malheur à vous, docteurs de la loi ! parce que vous avez enlevé la clef de la science ; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient. Luc 11 : 52

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La responsabilité des hommes est grande quant à l’affaissement des compréhensions de la religion, quelle qu’elle soit, du reste. Toute révélation, toute Descente Divine est le prodige de l’arrivée céleste d’un message codifié, d’une compression et d’un symbolisme qui, au moment de sa Manifestation a pour but de s’adresser à tous les hommes, afin que ceux-ci puissent accéder aux plans supérieurs de leur conscience et d’évoluer sur le chemin droit. Avoir réduit cela à un événement chronologique, et donc linéaire, avoir réduit cette réalité symbolique des manifestations des signes Divins, de leur puissante évocation initiatique, en une icône et en une exclusivité, rejetant ainsi toutes les responsabilités actives de l’homme face à son être, a, hélas, obstrué la lumière du message Divin. Ces Signes éloquents, actifs, dynamiques, enseignants, comportant les strates et les étapes multiples de l’initiation, sont devenus des signes inertes, rigides comme la pierre. Ils ne sont plus interactifs et éclairants. Ils ne sont plus vus comme une réalité effective et atemporelle, mais comme la cristallisation idolâtre des projections périphériques de l’être. Les hommes de la religion ne possèdent plus les clefs ouvrantes de ces messages codifiés. Ils les appréhendent de façon limitée, c’est-à-dire, selon leur projection. D’ailleurs, ont-ils vraiment compris la chair et l’esprit du corps verbal ? Ont-ils saisi qu’il s’agissait d’une réalité supranaturelle ?

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Du moi au Soi

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Étonnamment, l’être qui reçoit en lui la toute Compassion est un être qui a fait le chemin en lui, en Lui… Il a appris à s’effacer chaque jour, à abandonner sa réalité, celle qui le réduit à vivre sur un plan exclusivement égoïste. Il vit seconde après seconde l’anéantissement du moi. Mais pour cela, il apprend le « moi ». Il le connaît. Il apprend à le voir, à le reconnaître. Il apprend à voir ses ruses multiples, les divers plans qu’il met en place en s’immergeant totalement dans les arcanes les plus reculés de son être pour échapper au Soi. Le Maître dit : la plus belle des expériences possibles est de vivre la ruine complète et de voir ainsi chacun des éléments de la ruine, de l’édifice écroulé.

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Le Vivant

Lors que nous disons Vivant, que sommes-nous à désigner ? Ce qui semble assez surprenant en cette ère du Kali Yuga, c’est précisément, la non possibilité manifeste d’entrer en résonnance, même en correspondance avec le Vivant.

L’on pourrait se contenter de la commune définition, ou même, l’on pourrait se contenter de la définition la plus élaborée qui soit des termes employés. Le Vivant. Mais comprendre le Vivant ? Qu’en est-il de Celui-ci ? Ensuite, comment com-prendre (en nous) que les mots provoquent telle ou telle émotion, ou parfois aucune. Il est assez curieux d’observer cela, pour qui veut bien observer. Il est assez curieux de voir combien quelques lignes peuvent susciter, à elles seules, telle ou telle réaction. Ce qui relève de l’abstraction, ce qui relève du subtil, voir de l’invisible sont potentiellement source de résonance, de réactions diverses, voire de totale indifférence. Etonnant ! Alors, de nouveau, nous sommes amenés à nous demander ce que peut bien être le Vivant. Vous noterez aisément que j’y mets une majuscule. Cette dernière est là pour marquer une Réalité supérieure, totalisante, universelle, principielle. L’Essence. La réduction, ce serait de considérer que nous sommes des dictionnaires ambulants. La réduction serait de croire que ce qui relève de la réaction face au Vivant est lié exclusivement à un enseignement formel. Or, si nous apprenons les mots, comment avons-nous lié cela aux émotions ? Comment avons-nous lié cela à la pensée, aux concepts ? Certes, nous ne sommes pas une coquille vide que nous remplissons, au fur et à mesure. Réfléchissez-y bien ! Serait-on à nous limiter à n’être que des entonnoirs? Pourtant, Tout est Vivant ! Tout est agissant !

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Serviteur du Vivant

Depuis des siècles, les hommes se disputent le Ciel et la Terre. Celui des royaumes invisibles et celui des royaumes terrestres. Chacun rivalisant et dressant Dieu comme l’effigie de leur haine. Mais je le dis, en vérité, vous ne possédez ni les Terres, ni les Cieux. Vous ne possédez même pas le Souffle qui vous anime. Certains prétendent sauver les autres en voulant de force les plier à leur limitation. Certains prétendent détenir le monopole de la raison. Mais je le dis, en vérité, celui qui n’a pas de Centre oscille jour et nuit pour accaparer l’espace et le temps. Conquête dérisoire, lors qu’il n’a ni connu son être, ni la réalité du monde qu’il traverse. La mémoire des hommes est courte. Chaque fois que l’occasion se présente, il tente de dominer son frère. Or, je vous le dis, en vérité, quand l’homme rayonne du soleil de son âme, lors qu’il est devenu la lune et lors que son regard se révèle par le Regard de Son Seigneur, celui-là même est l’homme juste, celui-là même possède les vertus de l’homme et celui-là même est l’homme qui stabilise tout navire chancelant. Je ne suis ni ceci ni cela. J’embrasse tout à la fois. Mon âme est juste. Elle a effacé toute réduction, toute égocité, et quand je vous regarde, je vois d’abord votre âme et parfois je ris devant l’ingéniosité que vous déployez pour broder tout autour. Je me suis assis à la table des pauvres et j’ai pris la main des indigents. Je ne suis ni le temps qui passe, ni le lieu des contingences, mais je vois chaque couleur et la lumière de votre origine. J’aime mon frère, j’aime ma sœur, et j’aime la Justice. Ceci n’est pas un vain mot. Je marche sobre parmi le peuple et lui offre mon regard. Je ne dresse pas les uns contre les autres, et je ne dis pas qu’il y a un seul ciel pour toutes les âmes. Je dis : parlons un peu. Apprenons ! Les uns disent que leur croyance est la vraie, et les autres prétendent qu’il n’y a de salut qu’en leur dogme. Je vous le dis, en vérité : Là où la Lumière rayonne, vous savez très peu de choses, à tel point même, que vous vous aveuglez mutuellement. Le meilleur d’entre vous est celui qui porte en son cœur les nobles vertus de l’Homme, celui qui a atteint l’apogée de sa piété révérencielle. L’homme sage est celui qui regarde l’autre avant de se voir. Il est le serviteur du Vivant. Tout le reste, regardez bien, n’est que décor. Ainsi est le cœur humble de l’homme aimant. La liberté du Sage est de se soumettre uniquement à Dieu, son rayon de Lumière. Il n’accorde, ni à l’un ni à l’autre, aucun privilège.

Les mots, langage universel, Métalangage et Réalité

La perversion de la cité commence par la fraude des mots. Platon (427 – 347 av. J.-C.)

Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. Confucius

Ne voyez-vous pas que le véritable but de la novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mot pour l’exprimer. George Orwell, 1984

Et à cette époque aussi ils oublièrent les langues qu’ils pouvaient avoir parlées antérieurement, pour adopter dorénavant le langage ordinaire, nommé Ouistrain, courant dans tous les territoires des rois de l’Arnor au Gondor et le long de toutes les côtes de la mer, de Belfalas à Lune. Ils conservèrent néanmoins quelques mots à eux, ainsi que leurs propres appellations pour les mois et les jours et un grand fonds de noms personnels du passé. Le seigneur des anneaux, Livre I, La communauté de l’anneau.

Ce ne sont pas les mots qui diminuent et s’appauvrissent, mais bien ceux qui les emploient et qui, volontairement ou non du reste, les chargent de leur lecture atrophiée ou les réduisent à un usage ordinaire (ce qui me, dira-t-on, revient au même). Ont-ils perdu les liens profonds avec ce que les mots, non pas désignent uniquement, mais incarnent ? Car les mots ont leur incarnation, même subtile, au-delà de la relation qu’ils entretiennent avec ce qu’ils désignent. Ils possèdent leur réalité propre, qui est multiple et singulière aussi. L’on croit à tort que ceux-ci s’apprennent, et qu’ils s’empilent dans une sorte de dictionnaire cérébral, mais cela est une façon erronée d’appréhender les mots, et bien entendu, le langage. Considérer l’histoire de l’homme exclusivement sous un rapport linéaire est une façon de dévier sciemment le réel de celui-ci. Cette façon d’étudier exclut volontairement un autre aspect, et non des moindres, tangible malgré tout, et qui est celui de l’origine. Toute chose se trouve et s’épanouit du fait même qu’elle contient en elle toutes les réalités possibles pour s’épanouir et croître, et cette chose ne peut s’épanouir si elle ne contient pas en elle cette possibilité, car rien ne vient de rien. Toute chose se révèle par le fait même qu’elle se puisse se révéler. Or, le langage appartient à un Arbre majestueux qui contient, non pas un seul type de fruit, mais tous les fruits possibles, ceux qui percent et se manifestent dans le réel, et ceux qui sont encore dans le monde du non-manifesté.

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La réalité du Voyage de l’âme

Être un aspirant ne relève pas de la volonté propre. Être à vivre le voyage de l’âme ne peut s’accomplir sans cette nature essentielle que vit le voyageur en sa Révolution singulière. Cela procède du Vivant et le Vivant est ce par quoi la Réalité de ce monde est rendue manifeste. Les dispositions intimes sont le reflet des étapes du Voyage. Tout voyageur est agi par une puissante aspiration qui augmente au fur et à mesure de sa pérégrination. Elle ne diminue jamais, car elle vient de la Source infinie de Dieu Lui-même. Chaque percée est une délivrance.

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L’Amour

Celui qui ne voit pas est celui qui ne voit pas et celui qui ne dit pas est celui qui ne dit pas, tout comme celui qui est absent est celui qui est absent. Tandis que La Présence est une fécondité. Nulle Présence si ce n’est Sa Présence et nul instant si ce n’est Son Instant. Tout autre propos n’est qu’imposture. Le cœur a reconnu, et le cœur a témoigné.

Il serait judicieux de se demander ce qu’est L’Amour, ce qu’est L’Amour originel, ce qu’est le Commencement et ce qu’est la Fin. Il serait judicieux de s’interroger sur L’Arrêt, tout comme il serait judicieux de parvenir à la non-Question, en l’ultériorité. Il serait judicieux de laisser Lui, Le Merveilleux, fleurir et de saisir, en la subtilité, La Fleur émanée et de la laisser s’exprimer. Il serait judicieux de se demander en quoi il existe une indéniable différence entre le ici et L’Ailleurs et ce que peut être véritablement L’Ailleurs ? Il serait non moins intéressant de se demander, si la réalité que nous pensons être la réalité n’est en vérité que la révélation de ce que nous vivons et que le Point Zéro, le 360°, est une Réalité unitive, unifiée à La Vision suprême. Celui qui parvient à ce Point, voit par Dieu. Il s’est effacé et Dieu l’a enseigné, puis a fixé en lui la stabilité de La Vision, tout comme Il lui a permis de voir en chaque chose les degrés de la vision. Telle est l’observation unitive et concomitante. Nul ne peut voir sans devenir simultanément tous les degrés de la Vision. Alors, celui-là même contemple Le Seigneur en chaque chose et le dit par chaque chose, puisqu’il voit l’ombre et la lumière, puisqu’il voit le Zénith. Alors, je vous le dis en vérité : L’Amour originel mène à L’Amour de L’Origine et L’Origine est Lui. Il ne saurait être muet puisqu’Il est La Voix, puisqu’Il est Le Témoin de Lui en Lui et puisqu’Il glorifie et prie. Il est Le Priant par excellence, tout comme Il est L’Orateur par excellence, tout comme Il est Le Louangé par excellence, tout comme Il est Celui qui enseigne par excellence, tout comme Il est Celui qui voit et Celui qui connaît.

Les connaissants par Le Connaissant.

Tant que le cheminant n’a pas vu les effets du voyage, il est un cheminant. Son chemin est fait d’assiduité, jusqu’au jour où tout est renversé… Ensuite, du fait même de la polarité, il voit ce qui lui est rendu visible, si cela lui est rendu visible. Celui qui ne voit pas ne peut en aucune façon évoquer le début même de son cheminement. Comment reconnaît-on un postulant ? (…) Or, aujourd’hui, l’uniformisation est telle qu’elle se voudrait donner des définitions des effets du voyage, et non plus comme le faisait les anciens, (ARIFIN BI LAH, les CONNAISSEURS PAR DIEU), les balises. Or, tout voyage est le voyage de la singularité manifestée. Universalité ne veut pas dire uniformité, mais Unicité au sein de la multiplicité. Tout figement existentiel se voudrait s’incarner en idéologie et de fait réduire l’infini mouvant en mouvant fini. Toute spiritualité est le fait même de l’oeuvre alchimique de transformation et ne saurait se limiter en aucune posture qui deviendrait très vite imposture et co-participerait à cette solidification destructrice, donc « autophagique ». Car, ce qui ne saurait éclore serait en quelque sorte à se rendre inerte et insupporterait toute Réalité du Vivant. Il est un indéniable Signe qui révèle l’actuelle ignorance. Celle-ci se propose en permanence comme une connaissance. Or, le vrai postulant est d’abord un ignorant qui longtemps ne s’ignore plus en tant que tel. De même qu’un connaissant est celui qui est entré dans l’émerveillement. Son cœur palpite en un accord avec La Vibration-Une. C’est par cette Rencontre que son voyage devient UN SENS. Lors, le connaissant voit par Celui qui sait, car il n’est de connaissant que par Le Connaissant.

Réalité de L’Homme (3)

Quand même nous serions pris par le temps, puisque effectivement le temps nous prend, nous prendrions aussi de lui tel qu’il est en sa vivante nature essentielle, car rien ne saurait s’extraire du Vivant, rien, y compris le temps lui-même. Comme il est à nous apprendre ! Il est vrai que nous réalisons à peine cette Beauté plénière qui se révèle. Imaginez une sorte de corps en forme d’arborescence, mains levées, Coupe en position d’Accueil, imaginez alors que le temps vienne depuis les racines offrir son secret ; imaginez que le temps, complice de votre Accueil, le décelant avec semblable et vive intensité, devienne votre allié indéfectible et qu’il s’unisse à la sève de votre croissance, à votre corps-esprit-âme, que pensez-vous qu’il se puisse arriver ? Vivre au Dedans ne dépend pas d’une désignation mentale conceptualisée, opposée à celle de l’extériorité des choses. Cette façon de voir ainsi Le Vivant dénote d’emblée d’une perception cognitive limitée et atteste clairement d’un niveau de conscience réducteur. Le fait du Dedans est une expérience qui dépasse de loin la dichotomie intérieur et extérieur. Le fait du Dedans est Le fait du Vivant, tout comme Le Vivant est Le Fait d’une Origine, et tout comme Le Fait de L’Origine parle du Commencement et d’une Volonté du Commencement. Le Dedans est Révélation rendue manifeste par les corps-esprit-âme, le Corps Arche. L’homme véritable est semblable à une coupe qui serait en Reliance avec chaque parcelle élémentaire du Vivant, non pas dans une perception sensitive exclusivement tournée vers elle-même, mais bien dans une sorte d’interaction unitive qui donnerait à chaque élément épars sa Réalité parlante, communicante et messagère. L’homme véritable, en devenir de Lui-même selon Sa Réalité Essentielle, entre en relation avec Lui-même, c’est-à-dire avec les possibilités non-manifestée de La Connaissance liée à sa propre arborescence et donc à son Devenir sur des plans supérieurs. L’homme véritable ne cherche rien autre qu’à répondre à L’Appel de Sa Réalité, à La Réalité-Une. Il n’est donc rien qui ne soit Lui-même en ce Lieu matriciel et il n’est rien autre, en ce Lieu matriciel, qu’une forme aboutie et parfaite qui lui donne à réaliser Sa Réalité intrinsèque.