Rencontre avec le Maître : le labyrinthe

Pour être réinvestie de la Souvenance, la mémoire patrimoniale de l’homme Adamique, il fallut bien commencer par la Question. Celle-ci émerge sans autre but que de faire émerger les réponses. L’on s’étonne longtemps, comme marchant sur la terre d’un autre monde et l’on entend longtemps la voix entière de la Vie. Celle-ci est une proclamation. Elle cogne sur les opacités de l’oubli, et je dirais que celui-ci devient même la source du commencement. S’il n’était ce mur, tout semblerait se dissoudre dans une vallée engloutissante. Le Maître m’enseigna l’Accueil. Il ouvrit toutes sortes de perceptions en écartant les voiles. Tandis qu’Il les soulevait de Sa Main ferme, je restais hébétée. Je le fus longtemps et le demeure encore. Le souvenir déferle parfois telle une ondée très fine et parfois, il vient comme la plus grande et la plus violente des tempêtes. Je cherche un mât où m’accrocher. Il jette à mon âme esseulée une corde et je m’y maintiens. Après l’évidence, l’on serait à marcher au milieu du chaos.

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Que recherchent les hommes ?

Montage Igor Morski

Que recherchent les hommes ? La plupart arrivent au monde avec une aptitude étonnante à s’inscrire dans le modèle majoritairement admis, et ce, en totale conformité avec le terrain social et culturel dans lequel ils se trouvent. Il y a comme une sorte d’acceptation tacite. Les objectifs sont unanimement les mêmes. La propension qu’ont les hommes à admettre que le schéma qu’on leur propose est le seul qui soit est inouï. Il serait légitime de se poser la question du pourquoi ou du comment. Une telle inertie est assurément stupéfiante. L’on se demande en effet ce qui amène l’homme à s’endormir dans les bras de l’uniformité. Plus que tout, ce qui suscite l’ahurissement, c’est de constater à quel point, cette conformité et cette unanimité sont à produire un effet quasi désastreux sur l’homme. Mais que recherchent donc les hommes ?

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Libre-arbitre ou Conscience de L’Être ?

La géographie spatiale de l’Être-au-monde, sa naissance, les contingences, les paroles, les ouvertures, la Conscience, la Réceptivité, la Révérence, tout cela est un Ordre purement agencé. N’ôtez rien, fût-ce le poids d’un grain de moutarde. D’ailleurs, vous ne le pouvez pas. Tout ce qui arrive a lieu d’être. Vous n’avez aucun pouvoir là-dessus. Essayez donc de dissoudre dans le néant un seul atome de ce monde ! Or, jamais personne ne connait le néant. Jamais personne n’a été extrait du néant. Rien de ce qui apparaît en ce monde ne provient du néant et si une seule goutte du néant, que l’on ne peut définir, venait en ce monde, pèserait-il de sa réalité ? De quel poids et mesure parle-t-on ? Croyez-vous que le néant soit une réalité ? Vous le croyez peut-être, mais il n’en est rien. Croyez-vous que vous possédez un quelconque pouvoir sur ce monde ? Le néant est la représentation de la limitation. Rien de plus que la mise en réalité d’une pure limitation. Le néant est l’aveu d’un échec. Quand les yeux de l’homme ne voient pas, ce dernier déclare qu’il ne voit rien. Il en conclut qu’il n’y a rien. Dire qu’il n’y a rien ne veut pas dire qu’il n’y a rien. Dire qu’il n’y a rien veut dire : je n’ai pas les moyens de voir autre chose. Pourtant, l’homme s’enorgueillie de sa cécité. Celle-ci devient, Ô étrangeté, valeur suprême. L’ignorance ainsi clame sa suprématie sur la Connaissance. L’homme, plus que le néant auquel il se veut s’identifier, ne veut surtout pas reconnaître son ignorance. Or, la reconnaître n’est-ce pas là la véritable humilité ? Dire, même de façon spéculative : je ne sais pas, n’est-ce pas enfin entrer dans l’apprentissage et l’Accueil ?

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Qui est l’homme ?

La voie est grande ; le ciel est grand ; la terre est grande ; le Roi aussi est Grand.

Lao Tseu

Il est vrai que le remède est dans la maladie. L’urgence a quelque chose de forcément extraordinaire. Mais le fait de la hâte ne tient nullement compte de La Loi naturelle. L’homme en voulant accélérer les choses, s’est trouvé hors de la Nature. Hors d’Elle, hors du Dedans. Hors de La Réalité, hors de l’observation. En permanence, il est dans les projections, dans le désir de tout maîtriser, comme pour se rassurer. Quelque part, il ne s’inscrit plus dans aucune Sagesse. Il est à la dérive. S’en tenir à une ligne de conduite est d’ores et déjà salutaire. Mais j’aimerais poser cette question : qui est l’homme ? S’il ne se connaît pas, s’il ne connaît pas la Loi Naturelle, qui est-il véritablement ?

Sans doute se débat-il depuis si longtemps dans les hors-propos, incohérence avérée, qu’il ne voit plus, ni n’entend, ni ne comprend ? Par son ignorance, il a cédé la place à l’ignorance, celle qui règne en l’inadmissible confusion. D’aucuns pensent que la vie spirituelle s’exclut de la vie au sein de La Cité. Il s’agit presque d’un énoncé criminel, d’une défaite dans la défaite. Exclure Le Sacré c’est ouvrir la porte à l’inconséquence chaotique. Exclure la Reliance, c’est s’exclure soi-même. Or, l’ignorance est la porte ouverte à toutes sortes de manipulations liberticides. Bien sûr, il ne faut pas confondre délivrance, qu’implique la liberté, et licence. Si l’homme s’exclut de sa cité intérieure, comment peut-il prétendre gouverner à l’extérieur ?

Innocence et Connaissance

arbre

Le Vivant appelle le Vivant, et nous ne devançons jamais, fut-ce le poids d’un atome, Le Vivant. Nous ne le pouvons pas. Me faut-il ajouter que Le Vivant est hors du temps linéaire, et qu’il ne saurait être limité aux simples contingences, ni être de caractère adventice. La loi de cause à effet est strictement réservée au temps linéaire. Celui qui entre dans Le Vivant, de par Le Vivant, obéit strictement à cette illimitation qui ne saurait être englobée, ni même définie, hormis par Son Illimitation. J’ajouterais aussi que paradoxalement, Le Vivant, tout en offrant l’exponentialité des possibilités, de par notre caractère proprement évolutif, concomitant au Vivant, donne à chaque chose sa place, en une juste mesure, en une véritable synchronicité. Ne pas devancer Le Vivant, c’est ne pas établir en dehors de Lui, un autre pôle que Le Sien, Le Vivant en Sa Réalité de Vivant par excellence. Être relié à Lui c’est donc s’inscrire avec exactitude en Sa Volonté et de fait, être en ce Réel. Le Réel n’est donc pas notre appréhension du monde par le monde, mais bien notre appréhension du monde par Le Vivant, c’est-à-dire par Lui, Origine de toutes choses, Connaissant par l’absoluité de Sa Connaissance, Vision pure, englobant chaque chose, et éveillant chaque chose en La Lumière Divine. Ici, l’homme est à l’image du Dieu Transcendant, car si l’homme est fait à l’image de Dieu, ceux qui ne sont pas à Son Image, sont ceux qui ont involué et ainsi, ne réussissent plus à voir, ni même à comprendre L’Essence des choses. Les êtres qui sont en L’Eveil, sont les ressemblants ; les autres, qui portent bien sûr en eux ce Germe, se doivent de s’éveiller à la conscience du Germe-en-eux. Peut-être qu’un jour, me laisserai-je à aborder les réalités du Kali Yuga. Mais, tel n’est pas notre sujet actuel. Lire la suite

Facétie d’un monde périssant

 

Assis depuis longtemps dans des parjures ensommeillés de vie égrainée, modernisation* figée, commune et répandue à outrance, il faut bien se mettre enfin en position de pouvoir se demander, or le fait de ne pas se demander reviendrait à manifester une gestuelle altérée, passive et éhontée de l’esprit paresseux. Certes, la demande est légitime, parfois teintée d’humour comme de coutume, quand l’âme est légère. J’aurais cette tendance à interroger le monde, les univers, les hommes : qui meurt donc ? J’aurais alors cette réponse possible, une réponse un peu alambiquée, je le concède : à travers ce que l’on appelle communément l’actualité, je remarque l’impavidité commune, inertie massive, mais je note aussi la récurrente soumission aux divers conditionnements, le manque de discernement. Serait-ce ici la manifestation claire du leurre subjectif et même collectif de la masse ? « Assis » est forcément la meilleure des positions, le fessier bien calé sur un coussin, voici que nous abordons le ridicule, avantage de la dérision, voire même de l’auto-dérision, quand celui-ci est le luxe de notre décalage. Qui meurt donc chaque jour ? Osons pousser la question jusqu’à l’absurde. Des milliers de gens sont en file-indienne à attendre, dans ce fameux couloir de la mort, que celle-ci arrive. Je lis, ici ou là, qu’il faut tuer le temps du confinement. Tuer ce temps est, d’ores et déjà, un non-sens absolu. Comment pouvons-nous vouloir tuer le temps, alors que le temps du faire est malheureusement à l’usage des mal-vivants. Par ailleurs, j’entends aussi d’autres expressions du genre occuper son temps, conséquence fatale d’une humeur banalement délétère, désœuvrée même, et s’inscrivant dans la plus élémentaire des inadéquations de la vie. Car tuer le temps, l’occuper, ou le passer, revient à tuer la vie. Le fameux couloir par lequel nous passons tous, se teinte de toutes les couleurs possibles et imaginables, par d’inconséquentes occupations, compulsivité à ne rien-faire en somme, et qui se voudrait déclarer que la vie n’a de sens qu’en la tuant ?

   Ne pas penser, ne pas agir, ni réagir, mais observer, si tant est que l’observation devient le dard de l’observation. Qui meurt donc depuis des milliers d’années, pandémie de vie, cette vie qui tressaute, de soubresaut en soubresaut, sans que personne ne puisse lever le moindre petit doigt d’objection lucide ? Les maladies s’enfilent comme de lamentables signes, les accidents, les faillites en tout genre, et ces oripeaux ensommeillés et fébriles de l’ignorance de masse qui mènent à l’absurde. Il n’est d’illusion que dans les cœurs traumatiques. L’ignorance a ses appels d’air, comme de longues bulles d’oxygénation. Mais à qui cela profite-t-il ? La vie est-elle nécessairement un profit ? Que l’on me dise alors quel est le plus grand des profits qui se puisse être ?

   Ce matin, longeant les étroites ruelles de la ville dans laquelle je suis confiné, les regards des passants se croisent à la sauvette, car le danger rôde, invisible, prégnant, nocif, mais naturel dans le fond, compénétré de vie étonnement… Pourtant, que sommes-nous à observer ? Égoïsme, révélation d’un monde purement, savamment et irrémédiablement égoïste. Qui est mort ce soir que l’on ne connaît pas, à cinq mille kilomètres de là, ou au fond de sa misérable condition de vie si proche de nous ? Quelle est la maladie qui fait le plus de morts ? Un virus qui se cache insidieusement…

Peinture de Norman Rockwell (1894-1978)

Extrait de l’article d’un hebdomadaire imaginaire, sous le titre : Facétie d’un monde périssant ou les confidences d’un homme du siècle©

*Le monde moderne est à l’apogée de sa phase culminante, ce qui suppose un déclin proche. La modernité a eu pour effet de figer les consciences, ainsi que d’opaciser les esprits. La modernité se caractérise-t-elle donc par l’atrophie mentale ? Un ami me dit que l’époque est à révéler un crétinisme avéré. Je ne le croyais pas vraiment…

Pour trouver un tel degré de stupidité, il faut remonter jusqu’en 1848 ! Je lis présentement beaucoup de choses sur cette époque : l’impression de bêtise que j’en retire s’ajoute à celle que me procure l’état contemporain des esprits, de sorte que j’ai sur les épaules des montagnes de crétinisme. Il y a eu des époques où la France a été prise de la danse de Saint-Guy. Je la crois, maintenant, un peu paralysée du cerveau. Flaubert, Correspondance,1867, p. 292.

Genèse d’une Rupture : l’école

Vladimir Muhin D D D D D D C D D D C D D D D D Tutt Art

Ce monde est peuplé d’incohérences, et tout le monde a pris l’habitude de cette confusion générale, comme une vérité monumentale, s’y installant avec une sorte de consentement tacite, une soumission déplorable, pire que cela, un esclavage pour le moins déroutant. Dans le fond, on s’interroge sur les fondements d’une pareille soumission, alors, que l’humanité s’évertue en permanence à faire tout pour ne plus comprendre, il est une sorte de retour pour le moins ironique et même, je dirai avec beaucoup de tristesse, cruel. Un jour, j’ai écrit que l’on reprochait à Dieu ce qui nous trouble et nous insupporte. Nous (ce nous est purement rhétorique car, je ne m’y associe d’aucune façon) sommes à imiter quelqu’un qu’on ne connaît pas, et l’on reproduit à la chaîne, comme à l’usine, ses idées sans même se demander ce qu’elles sont en vérité. Vous-êtes vous posés la question de savoir qui pouvait bien être au bout de la chaîne pour lui vouer une telle vénération ? Qui fuyez-vous et qui vénérez-vous ? Quand j’allais à l’école, tout en veillant consciencieusement à apprendre, je regardais longtemps autour de moi, et même notre institutrice, cette supposée adulte que je respectais infiniment sans conteste, mais je me demandais comment l’on pouvait à ce point nous enseigner certaines inepties en nous les donnant comme des vérités assermentées et dont on ne pouvait jamais remettre en cause l’authenticité. J’ai pourtant aimé l’école, comme le lieu fiable de la transmission. Néanmoins, l’on déchante assez vite. Je me demandais : quel était donc ce dieu à qui l’on donnait tout sans discuter, sans même oser s’y opposer ? Pourquoi opposait-on ce dieu-là au Dieu ? Parfois, j’éprouvais une telle compassion, que je me mettais à pleurer en silence dans la cour. Cette absurdité était aussi rigide qu’un mur en plomb. Quelque chose en moi savait que cela ne pouvait être. Que tout cela était même pitoyable. Tout le monde approuvait. Tout le monde y allait de son cachet faisant foi. Je m’y refusais absolument. Mes antennes intérieures me parlaient et je les écoutais. Cela passait souvent par l’odorat. On peut détecter le faux à travers ce sens de façon plutôt assez surprenante au demeurant. L’odeur de la supercherie est insupportable. Mais pour sentir, il faut se laisser « sentir », se respirer, longtemps. L’école m’a donné le premier temps de respiration, et cela même à son insu. Il faut dire que la Nature est forte, puissante. Elle ne nous trompe pas. Elle nous rattrape. Le formatage ne passe pas.

Sur les bords d’un ruisseau (4)

George Richmond (1809 - 1896) Self-portrait, 1840Auto-portrait de George Richmond (1809 – 1896)

Il vint vers elle sans raison véritable, ou plutôt toutes les raisons possibles et impossibles y étaient contenues et au lieu de l’assaillir de questions qui lui brûlaient les lèvres, il se mit à parler, précipitant ainsi sa timidité naissante comme un bouquet de fleurs aux couleurs balbutiantes. Il faisait de grands gestes, et souvent, provoquait chez elle des ébauches du sourire intérieur. Elle se tenait toujours droite, la démarche titubante, lançait son regard loin dans l’indéfinissable, puis se tournait brusquement vers lui et le regardait dans les yeux avec un air étonné, parfois même inquisiteur. Il en sursautait presque, se mettait à rire et prononçait son nom avec une joie simple. L’instant de légèreté, mais aussi l’instant qui bannissait tous les instants, les enveloppait presque d’insouciance. La réalité de leurs deux corps donnait au lieu une dimension plénière. Parfois, il s’en étonnait, mais à la vérité, cela lui semblait le plus naturel du monde. Il se savait exalté, prompt à projeter sur l’autre toute sorte de vérités, toutes sortes d’imaginations, voire de féeries. Mais elle était si calme, si posée, elle, qui pouvait verser des milliers de larmes, elle, qui n’avait plus assez de place pour contenir les expansions qui la submergeaient et qui se demandait comment elle tenait encore debout, qu’elle l’amenait à vivre, presque à son insu, une sorte de tempérance. Le paradoxe s’invitait en permanence en eux. Tout cela lui semblait tellement surnaturel. Était-ce bien possible ? Il savait intuitivement que son calme cachait en vérité une succession d’expériences intenses et que ses déchirements l’avaient conduite à cette transformation. Elle ne lui disait rien. Il savait que ses paroles étaient toutes empruntes d’allusions. Quand elle apparaissait, elle venait de cette autre rive, la rive qu’il avait lui-même cherchée comme l’égarement possible et l’oubli le plus total. Mais, d’où revenait-elle ? Était-elle bien revenue comme il aimait à le croire ? Ne lui avait-il pas lancé : je vous connais sans vous connaître ? Elle avait gardé le silence. Se jouait-on de lui ? Et si tel était le cas, pourquoi ? Cherchait-on à l’anéantir ? Qui était ce « on » qu’il ne voulait pas encore reconnaître ?