Mise à jour du recueil de Justine, alias le Spectre à trois faces, dont les interventions à l’emporte-pièce et à rebrousse-poil, à contre-pied du politiquement correct, peuvent heurter le lecteur encore acquis à l’idée de vivre dans un système réformable servi par des gens bienveillants et donc toujours bien intentionnés. Mais nous savons, n’est-ce pas, qu’il n’en est rien et que ce monde se révèle de jour en jour plus brutal et de moins en moins humain. Quant à la bêtise, qui fait des progrès tous les jours, nous savons de même qu’elle n’est jamais trop éloignée de la méchanceté qui trouve à se manifester, en ces temps troubles et confus, sans n’avoir même plus à se dissimuler. A côté de cela, quelques mots cinglants font pâle figure et ne parleront guère qu’à ceux qui ne sont plus dupes de ce qu’il se trame, ayant renoncé à se réfugier dans le confort fallacieux et complice du déni. Où nous pouvons observer à loisir que ce monde prétendument rationnel est à sombrer dans l’irrationnel le plus absurde, sous l’effet d’une hypnose collective, et que ceux qui se prévalent volontiers de réalisme se laissent embarquer sur la nef des fous, un bateau ivre affrété par d’obscurs armateurs aux sombres desseins. Si le père Noël n’existe pas, le Père fouettard, par contre, a repris du service et sa main est lourde.
Toile d’Eve Ventrue
.
Les mots ne sont fragiles que s’ils sont soufflés aux oreilles sourdes à la beauté de leur sonorité et fermées aux vertus de leurs vibrations. Mais ils se revêtent de force s’ils sont tissés en entrelacs d’entente profonde et scellée d’amitié fraternelle et de connivence verticale. Du filigrane des paroles données, nous forgerons une épée de vérité dont le fil tranchera la faconde de qui détrousse les mots justes et tue la pensée qui chemine. Nous l’aiguiserons sur la pierre angulaire de nos cœurs battant et fendrons l’étal des boutiquiers d’âmes, engeance vénale et félonne qui écume la terre des hommes et crucifie l’Âme du monde. Nous briserons la superbe du cupide se mirant et renverserons ses idoles de toc et d’argile qui se nourrissent de la désespérance des promesses vaines. Nous frapperons de l’intérieur, au milieu du jour, quand les ventres repus engoncent l’ardeur mercantile, et au fond de la nuit, quand les reflets flétris se drapent de néant. Nous scanderons des incantations guerrières jamais entendues et dirons les mots ultimes et définitifs. Nous surviendrons quand le temps atrophié se dévorera lui-même et que les visages seront grimaces à revers, blafards d’hébétude. Nos mots trempés de feu bâtiront des cathédrales d’Amour, tandis que s’écrouleront les bâtisses creuses des vies feintes et fardées d’aventures plates jouées dans des cages d’écrans de verre.
Justine