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L’œuvre gigantesque de Cheikh Abdel Wahid Yahia n’est assurément pas une œuvre théorique et il serait malhonnête de le prétendre. C’est à force de lire et de relire, que ses écrits s’ouvrent en nous. Mais sans un accueil vierge au préalable, sans une intention en Dieu par Lui en Lui, sans l’approche vivante par le Vivant, tout peut apparaître hermétique, voire spéculatif ou que sais-je encore ! La vie est, en elle-même, les manifestations des champs du tout possible. De même, il est utile de préciser que la vastité des écrits de Cheikh Abdel Wahid Yahia nécessitent, sans doute, une vie entière pour en saisir pleinement l’enjeu. Sans cheminement, le texte s’offre sec et sans substance. Celui qui n’est pas touché par la Grâce ne peut déceler les sagesses subtiles d’aucune manifestation.
C’est parce que l’initié vit cela de l’intérieur qu’il verra les signes et entendra la voix. La relation entre ce qui est et ce que nous sommes s’établit clairement dès lors que l’intention est consciemment formulée et mise en pratique. De fait, l’initié écoute la voix du cœur. Il est celui qui découvre. Il est celui qui apprend et il est celui qui vit cette initiation. Tout être humain est un monde, une énonciation, et c’est pour cela que le Coran, la Parole incréée s’adresse à toute l’humanité de tous les temps, et que par la synthèse unitive des Verbes, des Lettres et des Réalités, il est Celui qui œuvre en nous. Il est une sagesse divine indéniable dans la multiplicité et nul ne peut limiter la relation du Créateur à Sa créature. Ainsi ont agi les Prophètes, car ils sont ceux qui embrassent par le Regard Seigneurial, la Réalité-Une dans le multiple. S’ils sont Prophètes, Ils sont Saints et Ils sont Sages. Ils sont animés par la Volonté Divine et rien d’autre. Certes, nous sommes tous différents, uniques et singulièrement différents. Nous ne naissons pas avec les mêmes aptitudes et il serait bon de répéter que ce qui est, EST.
Nous avons vocation d’apprendre. Nous sommes appelés à nous soumettre à la Hiérarchie. Celle-ci est impérieusement éclairée et éclairante. Elle obéit à des règles immuables et se manifestent par les attributs seigneuriaux de l’homme, vêture et investiture. Or, de fait, Cheikh Abdel Wahid Yahia obéit à cette règle. Il est, sans conteste, d’une facture peu commune et sa vie a été vouée à l’Amour de la Vérité. Qui pourrait le contester ? Non seulement, il est clair que son œuvre n’est pas le fruit d’une spéculation discursive, mais bien liée à la Réalité Transcendantale qui donne, à qui Elle veut, sans compter. Les effluves profondes de l’œuvre sont d’une densité et d’une rare honnêteté. La polarité de ces fleuves d’inspiration est à ce jour encore effective. Que chacun s’arrête, en l’intelligibilité, à la richesse de cette œuvre. Peut-être serons-nous victorieux (en nous-mêmes). Néanmoins, sans intervention Divine, sans éclosion en nous-mêmes du germe spirituel, il ne peut y avoir une Vision englobante, quintessenciée, universelle, unitive de tout aspect de la Vie.
Voilà pourquoi, je suis persuadée que le cheminement initiatique régulier, transmis par le flux vivant d’une chaîne initiatique non rompue, par l’éducation liée au compagnonnage du maitre et du disciple, par la polarité avec l’Origine, est indispensable et évite bien des désagréments sur la Voie. Beaucoup sont appelés et peu sont élus. Le grand danger pour un cheminant est de se perdre dans les limbes de sa vanité. Qui donc est prêt à sacrifier ce « moi » dont les forces obscures secouent inlassablement et génèrent illusion sur illusion ? Il nous a semblé que Cheikh Abdel Wahid Yahia n’a jamais été un homme arrogant et que sa générosité et son humilité transparaissent bien dans ses correspondances. Il s’agit d’un homme scrupuleux. La seule chose que nous lui reprocherions, avec une pointe d’humour s’entend, c’est d’avoir aiguisé notre curiosité sur bien des aspects des mystères de l’Occident et de nous avoir laissée sur notre faim, ou bien d’avoir maintenu judicieusement en nous, ce goût de la Quête.
J’aimerais ajouter quelques petits points, sans guère plus de prétention. Il nous est apparu que si René Guénon est un auxiliaire irréductible dans le déchiffrement de certaines réalités initiatiques (et elles ne peuvent parler qu’à celui à qui cela est destiné), le Coran et le modèle Prophétique, les ouvertures ouvrantes des Réalités des Verbes de Dieu sont les clés essentielles d’une véritable restauration de notre être, qui, a bien des égards, souffre d’un dommage quasi irréparable. A la faveur du Seigneur, pour notre Salut ou pour le Suluk (cheminement), car le savant est celui qui craint le plus Son Seigneur, nous sommes toujours à faire un pas en arrière et nous prosterner devant la Majesté du Seigneur des Mondes !