De la Réalité de la spiritualité et des lieux spatio-temporels

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Discours du Chevalier

Le passage du chevalier

Peinture de Mariusz Lewandowsk

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Ce monde passe et les hommes trépassent. Que de mémoires dissoutes dans l’absence ! Que de mémoires fugaces, dans les oublis du Temps ! Que de Lumières dans la Nuit, et que de modèles à suivre dans les sillons de notre corps ! S’il fallait s’étourdir, alors autant plonger dans un lac scintillant de Lumière ! Autant s’accrocher, à l’aide d’une corde, au Temple de l’Âme ! L’Appel est puissant. La Voix résonne depuis longtemps et le Verbe rayonne tandis que répondre à Son Appel vient sans nul doute de Lui. Il trouva un océan et y pénétra. Les vagues tanguent, Ô mon âme ! Les vagues rugissent et t’engouffrent en la nuit célestielle. Des mots qui surgissent, nous transpercent et les voiles de ténèbres deviennent ceux de la Lumière. L’Océan de ton offrande et l’océan entier submerge de densité, d’intensité, de crucialité, ce couloir obscur. Qu’est-ce donc que cette magistrale immersion, lors que ton cœur soutenu par les piliers de la Majesté, droite et auguste, triomphe et fait sonner le Cor ?

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Rencontre avec le Maître : les convenances ou Réalité de la Voie

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De la patience, nous apprenions aussi la constance, ainsi que la fidélité. Nous en saisissions les subtiles beautés. Il n’était pas utile de tout connaître, de tout saisir, de tout revendiquer. A l’aube de la Quête, il n’y a plus de questions, et pourtant, lors que le cœur est heurté, un écho vibrant apporte des nouvelles. L’on nous dit : Sois constant ! Tiens-toi toujours sur une corde raide, une corde si fine, qu’elle t’amènerait à la conscience la plus aigüe. Lors que l’on s’assoie près du Maître, jamais il ne nous vient de respirer au-dessus de sa respiration. Comment reconnaît-on le bon disciple ? Question interpellante. Question récurrente. Le disciple est guidé par une force intérieure et il n’est jamais perdu. S’il a bien formulé son intention, si son cœur anobli, loin des souillures préoccupantes du monde, formule son vœu, c’est alors que celui-ci s’est formulé en lui, répondant à l’écho puissant et impérieux de son âme. D’aucuns imaginent que cet appel est imagination. Pourtant que d’Appels en cette vie que nous n’entendons plus ! Le disciple est un apprenti. Qu’il se méfie de son âme encore brisée sur les récifs de son ego ! Qu’il n’attèle pas la charrue avant d’avoir les bœufs ! Il se perdrait en route. Le franchissement de son être n’est pas une aventure à prendre à la légère. Il vaudrait mieux pour lui n’être jamais devenu le prétendant. Qu’il n’élève donc pas la voix au-dessus des Maîtres ; qu’il ne prétende pas tout connaître et ainsi, s’abîmer dans les offenses les plus improbables !

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La Remontée

Voilà qu’aux premières lueurs du soleil naissant, la terre commence à mugir, la cime des forêts tremble au sommet des montagnes, et les chiens font entendre des hurlements dans l’ombre : c’est la déesse qui approche : « Loin d’ici, profanes, s’écrie la Sibylle, loin d’ici, et sortez tous de ce bois sacré ! Et toi, Enée, marche avec moi, et l’épée hors le fourreau : c’est le moment, Énée, d’avoir du courage et un cœur intrépide. » À ces mots elle s’élance en furieuse dans l’antre ouvert ; le héros se précipite sur les pas de son guide audacieux. […]

Virgile, Énéide, chant VI (extraits)

Une rencontre s’intentionnalise avec et par la lucidité. Pourtant, il se peut que l’un des deux êtres soit en avance sur l’autre. Il se peut même que l’approche soit d’abord sans intention. Il se peut qu’au fil de la rencontre, l’un et l’autre comprennent que rien n’est le fruit du hasard, que l’un et l’autre comprennent que leur réalité est un écho sans fin, le dialogue de l’esprit, celui de l’âme. C’est alors que se révèlent à eux, le lieu de la Conscience.

Sans doute, savait-il qu’Héloïse ne lui laisserait que très peu de champ pour échapper au rendez-vous, illustre rendez-vous, celui qu’il avait toujours su être au plus profond de lui-même. Il savait qu’il avait, non seulement l’intuition d’une telle rencontre, mais il savait aussi, qu’en son for intérieur, il avait quasiment programmé ce rendez-vous. Anticipation, réminiscence, conviction intuitive, nécessité absolutoire… Il n’était pas vraiment important de nommer ce qui était arrivé. Cela était arrivé. Il avait tout quitté pour Héloïse, mais elle avait aussi laissé derrière elle une vie. Dire que cette relation avait commencé depuis longtemps, depuis bien longtemps, en parallèle d’une existence, n’était pas exagéré.

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La vie extraordinaire de Yunus Emre (2)

(…)
Cependant sa confiance en Taptuk peu à peu le quitta. Cet homme, décidément, l’avait trompé. Il n’avait jamais eu l’intention de lui apprendre ce qu’il avait pourtant promis. « Je perds ma vie à espérer », se dit-il. Cinq ans encore, il balaya la cour en fredonnant, sans que nul ne l’écoute. Un soir, fatigué de cette existence de pauvre hère et convaincu que personne ne s’apercevrait de son absence, il décida de quitter ce lieu où il n’avait trouvé, après quinze années d’humble patience, qu’amertume et mélancolie. Il s’en fut donc dans la nuit, droit devant lui. Il marcha jusqu’à l’aube, ivre de liberté sans espoir. Il eut faim et soif, mais il n’y avait nulle source où s’abreuver, nul abri où refaire ses forces dans cet infini désert d’herbes jaunies, de cailloux et de vent. « Je vais mourir, se dit-il. Qu’importe ! Mieux vaut mourir en marchant qu’en balayant la cour d’un fou. » Il marcha donc trois journées entières.

Au soir du troisième jour, comme il allait se coucher sur un roc pour offrir son corps exténué aux vautours, il aperçut, au loin, un campement. Il s’étonna. Aucun voyageur ne se risquait jamais dans ces contrées. Qui pouvaient être ces gens ? Il s’approcha. Il vit des hommes assis au seuil d’une tente aux voilures amples. Ils festoyaient en riant et parlant fort. Dès qu’ils l’aperçurent, ils lui firent signe et, à grands cris joyeux, l’invitèrent à partager leurs provisions. Des fruits luisants, des galettes dorées, des rôtis odorants, des boissons de toutes couleurs dans des flacons de verre étaient à profusion étalés devant eux, sur un tapis de laine. Yunus prit place en leur compagnie, but, mangea, osa enfin demander à ces gens par quel miracle, dans ce méchant désert, ils se trouvaient ainsi pourvus en nourritures si délicates qu’il n’en avait jamais goûté de pareilles.

« — Une voix nous a conduits ici », lui dirent-ils. « Assurément c’est le meilleur endroit du monde. Le vent tous les jours nous apporte du lointain les chants d’un derviche inconnu. Il nous suffit de les écouter, de les chanter nous-mêmes. Aussitôt apparaissent devant nous tous ces mets succulents que vous voyez là. Nous serions fous d’aller vivre ailleurs. »

Yunus s’extasia, avoua qu’il ne comprenait rien à pareille magie et osa enfin demander à ses compagnons si, par extrême bonté, ils pourraient lui apprendre ces chants nourriciers, afin qu’il ne meure pas de faim dans cette steppe où il devait aller seul.

« — Volontiers », répondirent les hommes. Et ils se mirent à chanter. Alors Yunus, bouleversé, les yeux ronds et la bouche ouverte, entendit les chants qu’il avait lui-même fredonnés, cinq ans durant, en balayant la cour du monastère. Il reconnut les paroles sorties de ses lèvres dans le seul désir de tromper la solitude, les musiques montées de son cœur dans le seul espoir d’alléger sa mélancolie. Elles étaient son œuvre. Sur l’instant il comprit pour quel travail il était en ce monde, il goûta la pure vérité de son âme et il souffrit la pire honte, songeant à Taptuk qui l’avait instruit, sans qu’il n’en devine rien, comme un fils infiniment aimé.

(A suivre)

Henry Gougaud-Histoire de Yunus Emré

La vie extraordinaire de Yunus Emre (1)

Yunus Emré inventa autrefois des chants plus durables que le souvenir même de sa vie. Il fut aussi un infatigable chercheur de vérité.

Quand pour la première fois lui vint au cœur cette avidité de savoir qui le jeta sur les chemins du monde, il avait peut-être vingt ans, peut-être moins. Il s’en fut, espérant que le désir qui l’assoiffait le conduirait au-devant d’un maître capable de l’illuminer. Ce maître, il lui fut donné de le rencontrer, après dix années d’errance misérable, dans le grand vent d’une colline, en pleine steppe anatolienne. Il s’appelait Taptuk et il était aveugle.

Taptuk avait lui aussi longtemps cheminé, mais il avait suivi d’autres routes que celles de Yunus. Dès son adolescence, il s’était rasé le crâne et les sourcils, s’était coiffé d’un bonnet de feutre rouge et s’en était allé combattre les envahisseurs mongols. Il avait traversé autant de charniers que d’éphémères victoires, chevauché le sabre aux dents à la poursuite d’hommes aussi fous que lui, croupi le lendemain dans des lambeaux sanglants. Il avait haï, pillé, tué, cent fois perdu et cherché son âme dans la rage des combats, jusqu’à ce que le silence tombe enfin sur sa tête. Un soir de défaite, il avait été laissé pour mort sur un champ de bataille. Il s’était traîné au bord d’un ruisseau. Là, une femme, la première de son existence, hors quelques putains de tavernes, s’était enfin penchée sur lui. Elle l’avait recueilli, soigné, guéri, mais elle n’avait pu lui rendre la vue qu’un tranchant de lame lui avait prise. Alors elle lui avait donné sa vie, sa main pour le conduire, et de ce jour, guidé par son épouse, Taptuk n’avait plus songé qu’à se frayer en lui-même un chemin jusqu’à la source silencieuse d’où s’élève la lumière qui rend toutes choses simples.

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Allégeance

L’allégeance que nous faisons au Seigneur des Mondes est une allégeance d’ordre subtil et qui a pour objectif, entre autre, de nous mettre en relation avec ce qui est, au plus profond de nous, c’est-à-dire avec le Centre suprême de notre être. Lors que nous formulons cette intention, nous activons le processus inéluctable de la Reliance. Ce Centre n’est pas une désignation fantaisiste, ni une formulation mimétique, mais bel et bien la reconnaissance, enfin, d’une Réalité absolue. Lors que nous établissons cette Relation, ou lors que cette Relation s’établit en nous, nous nous inscrivons alors en ce Retour, le Retour-Echo avec le Seigneur. Telle est la Réalité de la Réponse, suggérée par la Parole* de Dieu, lors qu’Il invite fermement Sa créature à cette effective Réponse. Cela n’est possible qu’à condition que nous nous mettions en état de recevoir l’Appel.

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Chant du cœur ou la Quête de Peredur

Par le Cœur qui pivote,
Le Regard devient Un.
Par Celui qui en est Le Souverain,
Retour à la Lumière,
Des doigts de Son infinitude,
La Vision inversée s'unit à Toi,
Le Ciel devient Terre,
Le Miroir, une Ligne,
Le Regard a transpercé.
La Terre devient Ciel,
Quel est donc ce Secret ?
Par le Tout qui est Toi,
Je Te parle et Te vois,
Par Ton Amour,
J'ai aimé,
Par Ton Amour,
J'ai vu Ton Amour,
Oh ! combien Tu aimais !
Et j'ai pleuré de Te voir,
Et j'ai pleuré de T'aimer.

Il me disait : Aimer et être aimé,
Sauras-Tu comprendre la différence ?
Ceci par-derrière le Voile de Ton Auguste Face,
Par Ton Noble Désir,
Par Ton Aspiration et Ta Constance,
La chaleur de Ta Bienveillance,
La Lumière de Ta Transparence,
Tout est Toi.

Les Deux se sont unis, et leur danse prospère,
Au Firmament de leur Harmonie,
Voici la douceur du Printemps.
Lumineuses étoiles qui valsent,
Et s'est agrandi l'Espace,
Des infimes et des vastes.
Tous se saluent.

Armoiries attribuées à Peredur ou plus connu sous le nom de Perceval

Ardent Désir

Le chevalier attendit près d’un Puits, lors qu’il observa avec une sorte d’acuité qui n’était pas sienne, les couleurs qui jaillissaient de la margelle, et ce fut une pluie de pourpre, de blanc et de bleu nuit qui le tint éveillé. Il se formula une question en son cœur, nuage de perception et tête courbée, lors que son cœur allait éclater, il perçut la vastitude de L’Appel.

Du désir de Proximité,
Le manque le saisissait,
Et au plus proche de sa veine,
Dans les distances jugulées,
Il vit le lointain-proche,
L'insaisissable se manifester.
Quelle est donc ce paradoxe,
Oh ! quelle est donc cette douce accroche ?
Nul n'y saurait y échapper,
Et dans les prémices d'une Parabole,
Le Ruisseau vint à frémir,
Le Ruisseau vint à parler.
De brume et de couleur,
Submergé par Ton Désir,
La veine se met à trembler,
Quand au lointain, le cœur,
Hurle Ta Proximité.
Le cuisant de Ta Présence,
Vient seul à témoigner.
J'erre auprès d'un Puits,
Et de mes larmes,
Jaillit L'Arbre de La Nuit bleutée.
Du Soleil, je ne peux rien contenir,
Si ce n'est L'Ardent Désir,
Soleil épandu d'Amour,
Rayonne sans discontinuer,
Et le monde de se renouveler,
Au Souffle de Ta Majesté.
Je ne veux rien garder,
Non, je ne puis rien m'approprier,
Car, Le Soleil, Astre magistral,
S'il gardait Sa Puissance,
Le Puits s'y anéantirait.
Or, le Soleil est une Joie lustrale.
Vois comme par Sa Présence,
La Pluie se met à chanter !