Facétie d’un monde périssant

Notes de passages :

Personne ne franchit le seuil de la vie sans apprendre et j’aime, depuis longtemps, malgré les contorsions, les inepties, malgré les incohérences, les extrêmes indolences, les impromptues déliquescences, les confusions et les spasmes vulgaires ainsi que leurs débauches purulentes, j’aime que nous ne soyons jamais dupes, ni même n’éprouvons la moindre peur. L’état vrai ravit l’état, plus loin encore que les mensonges dissous dans l’impénétrable monde naturel et primordial. Le bonheur est pérenne, et la joie vive, en la Présence de la Présence. Il est Celui qui anticipe, depuis l’aube déclarée, parfaite remembrance, et au sein même du rêve, qui comme effervescent de miroirs suppléés, agrémentés de reflets argentés, le cœur est étreint sans que nul ne puisse plus l’atteindre, tandis qu’un monde surgi d’un autre monde, définitivement donne accès à la pleine plénitude. Certes, dans les villes, rugissent des bêtes affamées. Leur bruit grossier, immonde, ne fait que les révéler. Le marécage putride de leur mental augure, hélas, que les temps sombres menacent, à l’horizon, la cité semblablement aux nuages flottant au-dessus de Ninive.

Sont-ce borborygmes, ces tentatives quasi burlesques de paraître humain, ou bien sont-ce obstinations et désirs frénétiques de déclarer finalement son inhumanité ? Je ne me le demande pas. Il s’agit de questions purement rhétoriques. L’on aura compris que le silence en dit long. Mais ne soyons pas en vain apparus en ce monde et poursuivons, tout au plus, une réflexion simple qui, sans vouloir être définitive, aura simplement l’ambition de manifester notre humeur du moment, humeur devenue étrangement intelligible à la lumière des événements. Ceci a pour but de nous extraire d’une confusion régnante, insipide confusion, il est vrai, mais néanmoins bien dangereuse. De la tête aux pieds, il semblerait que la silhouette manifeste une correspondance avec l’humain. Détrompez-vous, et ce, malgré la hargne et la faconde, plus d’une forme est dissociée du fond. Certaines poteries ne trompent que les ignorants. Penchez-vous un peu sur l’apparent et vous détecterez l’outrancière supercherie.

Je sais que, pour nous entretenir souvent avec les gens de la cité, peu sont dupes. Beaucoup sont comme pétrifiés, se sentant impuissants, parfois même, tourmentés. Le monde connaît son couchant, un couchant bien triste au demeurant, mais le déclin avive, paradoxalement, une action latente et sûre : le rejet intransigeant de la putridité. Celle-ci s’accompagne d’un assez lamentable constat ; la bêtise est la conséquence d’une ignorance et d’une obscuration avérées. Si nous prenons le parti de ne pas nous engager en de longs débats, nous avons suffisamment mis notre entourage en garde. La politique a des relents pestilentiels. Nous n’avons pas attendu notre siècle pour le savoir. Parfois, il me vient cette pensée : bienheureux le commun des mortels, n’abusant jamais de sa réalité, n’outrepassant jamais les limites de la bienséance ! Ce bienheureux marche anonyme dans les rues de la ville et soutient avec grandeur inégalable, les plus nobles aspirations. Il se peut qu’il se penche et ôte de la voie, un morceau de verre. Il se peut qu’il soit assailli par la beauté de l’incandescent espace, le ciel d’une orée crépusculaire. Il se peut qu’il transpire, tout le long du jour, en pratiquant les méthodes ancestrales du labour. Il se peut aussi que par son rayonnement, il balaie par son esprit chevaleresque, les ténèbres.

Il est des êtres qui ne convoitent nullement la condition des faibles, ceux qui, contrairement à ce que l’on nous voudrait faire croire, par leur discours, sèment la turpitude et ânonnent des insipidités tout en prétendant maîtriser la connaissance et même la sagesse. De superficialité en superficialité, d’énonciations répétées, ils ne font que renforcer le dédain du bienheureux. Celui-ci n’éprouve pas volontairement de mépris. Il ignore l’ignorant. La roue tourne et chacun sait que la plupart de ces représentants de l’infamie se croit à l’abri. La roue tourne et broie lentement leur propre inconséquence sur les meules qu’occultent les voiles de leur propre ignominie.

2016 – Jarosław Jaśnikowski

Extrait de l’article d’un hebdomadaire imaginaire, sous le titre : Facétie d’un monde périssant ou les confidences d’un homme du siècle©

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