Soleil Divin

Faridoddin ‘Attar: Le Livre de l’Épreuve

 

Un important dit à la chauve-souris : « Faible créature ! Tu es sans nouvelles du noble soleil. Le jour pour toi est tout entier nuit obscure; l’éclat de la lumière blesse ton oeil. Dans la nuit noire tu erres inlassable; aveuglée, tu tournes comme la quenouille. Si avec le soleil tu frayais quelque peu, tu ne fuirais pas ainsi sa splendeur ! Jusqu’à quand dans les trous bâtiras-tu ta demeure ? Regarde le soleil aux rayons diaprés ! Afin de voir ce soleil de feu — approche, deviens l’intime ! »
O prodige, la chauve-souris répondit : « Insensé ! Que ferais-tu de la lune et du soleil ? Ce soleil qui devient noir et se couche dans une source bouillante, ce soleil dont le visage pâlit, qui revêt habits de deuil, erre et va de deuil en seuil, — se meurt de soif, et de douleur baigne à l’horizon dans le sang ! Ne point voir un tel soleil, qu’importe, quand il en est un autre ! Homme, ne dors pas ! Pour un soir, veille, afin de voir dans la nuit paraître le soleil ! Ecervelé ! Le jour pour moi est chaque nuit, car le Soleil divin brille la nuit. Lorsque la nuit ce Soleil-là se manifeste, toutes les créatures du monde sont accaparées par le sommeil ! Ton soleil, à tant d’éclat, se voile le visage de honte : que dis-je, il se sauve de confusion et d’effroi ! Mais pour celui comme moi intime, le Soleil resplendit dans la Nuit noire ! Puisqu’un tel soleil se récolte la nuit, — toi, aveugle endormi, comment le verrais-tu ? Moi, je veille jusqu’au jour; autour de ce Soleil-là, je tourne en me brûlant les ailes ! Et lorsque point ton soleil factice, je retourne à mon nid de ténèbres. Puisque le Soleil divin brille dans la Nuit lumineuse, — voir cet autre soleil n’est pas ma vocation ! »

Si tu es magnanime, tel le faucon, ta place est sur le poing du roi. Et si tel le moustique tu es pusillanime, comme lui tu agiras avec outrecuidance. Alors quelle différence y aura-t-il pour toi entre être et apparence ?

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