Samain

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Voici Samain, des anciens Celtes le fond de l’an.
Toutes les forces de la Nature sont descendantes
Et convergent vers le centre de la terre. Un temps
Hors du temps. Les portes des mondes s’ouvrent, béantes ;

L’invisible et le visible se côtoient
Et communiquent. La mort qui en nous se rappelle
Nous sourit, sans nous vouloir mettre aux abois.
Elle nous dit : « Cette vie-ci n’est pas la vie réelle.

Une autre est à venir, elle est déjà là.
L’on peut, de son vivant, entrer dans l’Au-delà,
En prenant de sa vraie nature pleine conscience. »

Voici que fleurissent les tombes de nos ancêtres.
Tous ces morts, tous ces vivants… Des myriades d’êtres !
En ce jour, une pensée d’Amour aux âmes passantes.

Marc

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Voir aussi sur La Nouvelle Héraldie ou Noblesse et Art de l’écu

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     Chez les Celtes, l’année se partage en deux grandes saisons : la saison claire et la saison sombre. Samain, à l’entrée de la saison sombre, initialise de fait la nouvelle année. Ce jour-là, le temps est suspendu et la frontière entre le monde des morts et celui des vivants se réduit à un voile d’une finesse inégalée, favorisant ainsi les travaux magiques. Toutes les forces de la nature sont descendantes. Ce lien très fort avec l’Autre Monde suscite la prise de conscience de la dualité de l’existence, le premier pas vers la quête de la Connaissance.

     C’est aussi le moment d’honorer les ancêtres, dont on a hérité du savoir-faire et grâce auxquels on dispose des biens matériels présents. Ils sont aussi source de conseil, de sagesse et d’inspiration. C’est donc aussi la fête de Keridwen, déesse de l’inspiration, de la lune, de la féminité et de la régénération, qui emporte dans son chaudron nos douleurs et nos misères.
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Représentation de Keridwen (à gauche) associée à la Déméter des Grecs (à droite)
et à la Cérès des Romains, déesses de l’agriculture, de la moisson et de la fécondité.

  

     Samain marque donc l’entrée dans la période obscure. Pour la traverser, il faut une lumière. Et comme la Porte entre les Mondes est ouverte, on peut solliciter les conseils des Esprits supérieurs. Mais c’est aussi le moment le plus propice pour apporter son aide aux disparus, surtout à ceux qui, trop éloignés du monde spirituel durant leur vie terrestre, errent entre les deux Mondes.

     Lors du Samain, les Celtes ont coutume d’allumer un feu. A l’origine, ces feux servaient de points de repère. En effet, l’étymologie de Samain (Samuhin) signifie « rassemblement, réunion ». Or, c’est à cette date que les bergers rentraient les bêtes pour les protéger du froid. Le « rassemblement » que manifestait Samain était donc originellement celui des bêtes et de leurs pasteurs. Et les grands feux allumés dans la nuit guidaient vers ce « rassemblement ». Les Gaulois éteignent le feu de leur foyer, rite symbolisant le nécessaire passage par la mort. Pendant tout le temps que le feu est éteint, l’esprit prend conscience de la consistance de la Nuit qui le renvoie à sa propre nuit intérieure. En rallumant le feu dans l’obscurité, il s’éveille à son propre Feu intérieur renaissant.


     Mais cette nuit-là porte aussi avec elle la possibilité de voir surgir les hordes chaotiques et les esprits maléfiques de l’autre monde, dont les Korrigans (le folklore anglo-saxon de Halloween ne retient d’ailleurs que cet aspect de Samain). Pour éviter le déferlement chaotique de ces petits démons dans les foyers où il fallait préserver ses provisions pour l’hiver, les Celtes veillent à « occuper » ces personnages en leur organisant des fêtes. On notera, au passage, que le stratagème de la diversion par la fête est vieux comme le monde, technique éprouvée dont on use aujourd’hui plus que largement, mais à d’autres fins.

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Les Korrigans (par Emmanuel Civiello)

C’est précisément à Samain que le Druide cueille le Gui sacré. En le coupant à l’aide d’une serpe d’or, il clame : A Ghel an Heu qui signifie Le « Blé lève » et non pas comme on le dit aujourd’hui « Au gui l’an neuf ! » 

Cueillette du gui 

C’est une fête obligatoire pour toute la société celtique, composée de trois classes (sacerdotale, guerrière et artisanale). Outre les rites druidiques, elle donne lieu à des assemblées suivies de banquets. Au VIIe siècle, lors de la christianisation de l’Irlande, les moines lui substituent la fête de la Toussaint (fête de tous les saints) suivie, le lendemain, de la fête des morts.
En 835 sur l’ordre de Louis le Pieux, fils de Charlemagne, la fête de la Toussaint, qui existait déjà à Rome, fut instituée en France. Et, peu à peu, toutes les Églises occidentales adoptèrent cette date. 

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George Henry (1858-1943) et Edward Atkinson Hornel (1864-1933) ( Les druides apportant le gui, 1890
 
Toussaint : fête de tous les saints. Les martyrs chrétiens étant près de 40 000 et l’année ne comportant que 365 jours, la célébration de tous ces saints se fait donc le 1er novembre, comme en a décidé le pape Boniface IV (en l’an 610). Il est fortement déconseillé de sortir de chez soi le soir de la Toussaint : toutes les tombes se vides, les trépassés se répandent dans les campagnes et envahissent les chemins pour se diriger vers les lieux qu’ils ont habités autrefois (le 1er).

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Peinture de William Bouguereau (1825-1905) Toussaint 1859

 

Trépassés : commémoration de tous les fidèles défunts. Jour des Morts. Tout le mois est peuplé de revenants, personnages mystérieux, charrettes et autres vaisseaux fantômes (le 2).
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Demain, dès l’aube…

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
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Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit... 

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo, Les Contemplations, 1856

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Cimetière du Père Lachaise à Paris (Photo savoieinparis.free.fr 2006)

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